L’investiture du nouveau président des États-Unis a donné lieu à des cérémonies hautement symboliques, accompagnées d’une ferveur populaire sans précédent. L’émoi provoqué par pareil événement n’est pas seulement américain, il est mondial, et suscite dans notre pays un engouement qu’on aurait tort de croire superficiel. La responsabilité de Barack Obama s’étend sur l’ensemble de la politique de la planète et la conjoncture actuelle de crise financière crée une attente d’une intensité redoutable. On mesure le poids qui repose sur les épaules d’un seul homme et l’on peut s’inquiéter du caractère démesuré de l’espoir qu’il a suscité.
Les réalités se chargeront vite de modérer les enthousiasmes et l’on s’apercevra que le premier président noir des États-Unis est d’abord en charge des intérêts de son pays. Comme le dit fort bien Hubert Védrine, ceux qui tiennent Obama pour une sorte d’Européen de gauche risquent d’être vite déçus. Même s’il s’inscrit forcément dans un certain imaginaire, celui d’Abraham Lincoln et de Martin Luther King, le président ne réalisera pas de miracle dans son pays même. La population noire continuera longtemps à vivre dans des conditions pénibles, même si l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie permet de sortir de l’enfermement des ghettos. Par ailleurs, la sagesse d’Obama le conduit à préférer l’unité de son pays à l’affirmation périlleuse des différences communautaires.
C’est à son étonnante intelligence politique, servie par des dons prodigieux d’orateur, que le candidat démocrate a dû sa victoire. Ce n’est pas le militant d’une cause particulière qui a surclassé tous ses rivaux, c’est le responsable le plus capable de rassembler l’Amérique et de lui offrir de nouvelles perspectives. Aussi s’inscrit-il dans la tradition de ses prédécesseurs dont il partage complètement la culture. Dieu et la Nation américaine sont les deux mots phare de ses discours, ce qui est la preuve qu’il partage le messianisme fondateur des États-Unis. Cette religion civile si spécifique servira les projets les plus divers. Il faut souhaiter qu’elle serve les objectifs de la paix, notamment au Proche-Orient et en Irak. Concernant les problèmes de société, nos vœux iront pour un discernement qui sauvegarde l’équilibre familial et le respect de la vie humaine.
