Qu’est-ce que la fragile bande de Gaza au regard du monde ? Pourtant, la violence qui s’y déchaîne depuis plusieurs semaines semble embraser le monde. Rien de ce qui se passe dans cette région n’est indifférent aux hommes, pour des raisons qui dépassent toutes les considérations géo-stratégiques. Certes, celles-ci comptent singulièrement et on le comprend à écouter les spécialistes qui donnent crédit à la thèse du choc des civilisations. Le paradoxe ici c’est que le conflit est presque porte à porte, qu’il alimente les peurs quotidiennes et qu’en même temps il a une dimension internationale et spirituelle. Nous le voyons avec les manifestations dans nos rues, dont les responsables politiques craignent qu’elles ne tournent à des conflits intercommunautaires. La communauté juive de France tremble pour Israël et les jeunes des banlieues, d’origine musulmane, rallient massivement le centre de Paris pour dénoncer les massacres de leurs frères… Il est bien hasardeux dans une telle conjoncture d’imaginer une troisième voie, comme notre confrère Jean-François Kahn appelant à une troisième manifestation rassemblant tous les partisans de la paix et de la réconciliation.
On conçoit le déchirement de certains religieux, tel le nouveau grand rabbin de France, Gilles Bernheim : « Lorsque Jacob va à la rencontre de son frère Ésaü dont il apprend qu’il est armé jusqu’aux dents, le verset dit que Jacob eut peur et qu’il fut effrayé. Tous les commentateurs s’interrogent sur cette répétition et concluent qu’il eut peur d’être tué mais qu’il a plus peur encore d’avoir à tuer. Ma compassion, comme celle de tous mes coreligionnaires, s’étend aux populations civiles palestiniennes et je rappelle que les guerriers du Hamas sont entrés dans une folie meurtrière qui les dépasse et les broie. » (Figaro, lundi 12 janvier). Est-il possible de trouver les mots justes et d’énoncer les jugements incontestables que requièrent des situations inextricables ? On en retiendra quand même la double crainte de qui a peur d’être tué et de tuer, tant elle caractérise l’impossibilité de chacun d’échapper au face à face meurtrier.
Mais que Gilles Bernheim trouve dans sa foi les ressources pour restaurer une possible fraternité au-delà de la relation fatale de l’inimitié permet d’avoir un autre regard sur le devenir de la Terre sainte. Et pourquoi, nous-mêmes, ne participerions-nous pas de cette transformation en organisant les retrouvailles des hommes religieux en retournant la logique des conflits communautaires ? Sans doute, faudra-t-il une remobilisation diplomatique pour réenclencher le processus de paix en Terre sainte, mais il dépend de nous, ici aussi en France, que Jacob et Ésaü se dépouillent de leur peur de tuer en inventant les moyens concrets de la concorde.
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