Faudrait-il donner raison à tous ceux qui incriminent le fait religieux comme principal responsable de la violence dans le monde ? Les événements actuels semblent leur donner raison. Les actions terroristes très impressionnantes de Bombay sont l’œuvre de groupes se réclamant de l’islam et affirmant ouvertement qu’ils voulaient opérer un 11 septembre indien. De même, la flambée de violence qui s’est produite au Nigeria et a opposé populations musulmanes et chrétiennes semble mettre en évidence le caractère explosif de la confrontation des identités religieuses. Mais il faut faire très attention dans l’interprétation de tels événements. Différents facteurs y sont mêlés, imbriquant le religieux dans des rapports de forces politiques, des rivalités nationales, parfois des luttes de classes. C’est particulièrement évident en Inde, avec la rivalité qui oppose, depuis plus d’un demi-siècle, cet immense pays au Pakistan et qui est sans cesse attisée par la question du Cachemire.
Par ailleurs, il faut examiner l’ensemble d’une situation qui ne se réduit pas à des affrontements mais se caractérise aussi par des évolutions lentes sans doute plus décisives. Dans son dernier essai (1), Jean-Claude Guillebaud consacre un long chapitre à l’Inde, en montrant que les conflits interreligieux ne touchent que certaines catégories limitées et qu’ils ne déboucheront pas sur le choc des civilisations annoncé par Samuel Huntington. Certes, il y a affrontement des fondamentalistes hindous et musulmans avec des effets de persécution dans certaines régions pour les chrétiens. Mais il ne faut pas oublier la grande transformation économique de l’Inde qui détermine un changement profond des habitudes et des mentalités, significatif d’un devenir qui peut déboucher sur un projet national nouveau.
Il n’est pas vrai que l’islam s’oriente unilatéralement vers une attitude agressive. Le terrorisme islamiste fait oublier les évolutions fondamentales, y compris dans des pays aussi considérés comme dangereux (l’Iran par exemple). Enfin, le terrorisme est revendiqué et légitimé par des minorités qui se réclament d’un religieux factice. Le fanatisme est une maladie de l’âme incompatible avec une exigence spirituelle sérieuse. René Girard a montré que la proximité de la violence et du sacré ne venait nullement d’une complicité. Bien au contraire, le sacré est le premier moyen d’endiguement de la violence destructrice des sociétés. Mais depuis la révolution biblique, le religieux a changé de statut. Il ne tolère plus la violence, il met en évidence ses causes, la première étant la perversité des hommes, que seule la conversion des cœurs peut guérir.
Gérard LECLERC
(1) J.-C. Guillebaud, Le commencement d’un monde, Le Seuil.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vous avez dit « violence catholique » ?
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité