Le succès de la visite de Benoît XVI à Paris et à Lourdes ne saurait être une parenthèse. Le dynamisme de l’Église de France qui s’est révélé pendant ces quatre jours constitue en lui-même une question. Pourquoi une telle éclosion de vie et de jeunesse, alors même que les constats et les perspectives les plus pessimistes nous accablent, agrémentés par les gloses qui insistent sur le décalage mortel du message ecclésial avec la culture contemporaine ? Une première réponse s’offre à nous à l’écoute du Pape. Ce n’est pas l’adhésion au siècle (selon les Écritures) que demandent nos contemporains mais un éclairage sur le sens de la vie. D’ailleurs la preuve est faite que là où on s’aligne sur les revendications dites modernes, le christianisme se délite et fait fuir ceux-là même qu’il était censé attirer.
Autre réflexion : la dépression dans laquelle le christianisme européen (et français au premier chef) a sombré, ne sera dépassée que lorsqu’il se sera soustrait à sa charge neurasthénique. Les quarante ans de Mai 68 ont permis de comprendre que le clergé de notre pays avait été la victime privilégiée d’une pathologie qui induit un processus où il finissait par ne plus s’aimer, au point de faire payer durement à tous, et aux jeunes en particulier, le ressentiment d’avoir épousé une vocation si aberrante selon les canons en vigueur. Comment la relève sacerdotale et religieuse aurait-elle pu s’affirmer, alors qu’il y avait si peu d’appels et que la réalité était elle-même si peu appelante ? Bien sûr, grâces soient rendues à tous les prêtres et à toutes les âmes consacrées qui ont su tenir au sein de cet hiver spirituel. Nous leur devons la survie de notre Église dans des conditions parfois héroïques.
Il y a lieu de marquer désormais une rupture avec le désenchantement post-soixante-huitard. Nous n’avons plus à ressasser nos déconvenues, mais à ouvrir sans cesse de nouvelles voies. Cela suppose de l’audace apostolique, un investissement de l’intelligence pour une transmission de la foi selon ses plus hautes définitions, un engagement dans la cité en tournant le dos aux interdits de la laïcité négative, un combat pour la vie à partir d’une espérance qui en révèle la beauté et la grandeur, un dévouement qui transforme les cœurs par la contagion de la charité… L’heure est venue de tourner le dos à nos médiocres querelles pour évangéliser. C’est d’ailleurs désormais le vœu unanime dans notre Église dont l’unité est sans doute le plus beau cadeau de la visite du Saint-Père.
Gérard LECLERC