La situation sociale s’améliore au Vietnam, même si le pays ne connaît pas un boum économique comparable à celui de la Chine. Ou bien justement parce que la croissance y est plus mesurée ? D’après des statistiques relativement crédibles, 58% des Vietnamiens vivaient sous le seuil de pauvreté en 1993, et ils n’étaient plus que 23% en 2004. Combien en 2008 ? Et la liberté de conscience progresse-t-elle dans les mêmes proportions ?
En tout cas, les catholiques relèvent la tête. Le ministère des Affaires religieuses donne plus de liberté pour imprimer des Bibles. Presque tous les grands séminaires ont rouvert et sont désormais autorisés à recevoir des candidats chaque année. L’Église enregistre de nombreuses vocations et les fidèles n’hésitent pas à pratiquer publiquement leur religion. D’où la demande de plus en plus insistante de restitution des propriétés d’Église confisquées par des administrations, des municipalités… au Nord comme au Sud… Et ces revendications sont parfois écoutées favorablement !
Mais c’est souvent au terme d’une lourde épreuve de force. En juin 2008 par exemple, dans la paroisse de Ke Mui du diocèse de Vinh, province de Hà Tinh au centre-nord du Vietnam, les paroissiens demandaient à être reçus par le Comité Populaire du district pour ouvrir un dialogue au sujet des propriétés ecclésiastiques. Faute d’une réponse, ils avaient manifesté en nombre durant des semaines devant ces propriétés. Mais ils durent, à plusieurs reprises, affronter des agressions violentes de la part de nervis qui semblaient, pour le moins, bénéficier de l’inertie de la police, sans que l’on sache exactement qui les avait envoyés. Certains de ces agresseurs prétendaient se réclamer du bouddhisme.
Or les bouddhistes réclament eux aussi une plus grande autonomie par rapport au Parti communiste et sont eux aussi persécutés même si, parfois, ils semblent bénéficier d’une sorte de préférence comme culte majoritaire. La mort du patriarche du bouddhisme unifié Thich Huyên Quang, le 5 juillet dernier, a une nouvelle fois illustré les ambiguïtés de la politique religieuse communiste, qui a tenté de récupérer post mortem ce personnage très indépendant, souvent arrêté, mais qui savait aussi composer avec les autorités à l’occasion. Les bonzes les plus proches du patriarche ont été accusés de vouloir empêcher l’organisation de ses obsèques par les instances bouddhistes officielles.
Avec seulement 7 à 8% de la population, l’Église catholique a mieux résisté aux tentatives d’infiltration et surtout de division. Il n’y a pas au Vietnam – comme en Chine – une dramatique division entre Église catholique officielle et Église clandestine. L’Église reste unie même si ses relations avec Rome sont entravées.
À l’issue de négociations avec le ministère vietnamien des Affaires religieuses, le 10 juin dernier, Mgr Pietro Parolin, chef de la délégation vaticane s’était réjoui : « Je pense que le résultat (du dialogue), c’est le dialogue lui-même… » La question de l’établissement des liens diplomatiques entre le Saint-Siège et le Vietnam a été évoquée sans tabou. Il est temps qu’une Église qui participe au progrès social, à l’éducation et au relèvement des plus défavorisés soit acceptée et reconnue. Tout reste à jouer mais, depuis la visite historique du 25 janvier 2007 du premier ministre Nguyen Tan Dung au Saint-Siège, l’espoir est vraiment permis. Le cardinal Sepe affirme : « C’est un signe très positif et c’est aussi une expression de l’ouverture du gouvernement à cette réalité chrétienne qui grandit, se fait vitale, devient toujours davantage protagoniste de la vie religieuse et aussi de la vie sociale du Vietnam ».
Les autorités, qui ont maille à partir avec un bouddhisme éclaté et s’escriment en vain contre les sectes non enregistrées, notamment protestantes et évangéliques, qui travaillent efficacement les ethnies minoritaires persécutées, ne font certes pas dans l’angélisme. Plus au fait de la culture occidentale que les Chinois, elles se rendent bien compte que Rome, avec sa hiérarchie, est un interlocuteur de confiance qui ne met nullement en péril la nation… Mais un accord général avec le Vatican bénéficierait à tous les croyants et pourrait, peut-être, servir de modèle au grand frère chinois que l’on sait très attentif au cas religieux vietnamien… C’est dire la dimension de l’espoir en jeu.
Annexes :
VIETNAM
« Le 6e Congrès (mandat 2008-2013) des catholiques de Hô Chi Minh-Ville s’est ouvert le 4 septembre dans la mégapole du Sud. Quelque 600 prêtres, moines et fidèles représentant 21 Comités de solidarité des catholiques des arrondissements et districts de la ville y ont pris part […] À cette occasion, le Comité de solidarité des catholiques de la mégapole du Sud s’est vu décerner l’Ordre du Travail de troisième classe par le président de la République, Nguyên Minh Triêt, et son président Nguyên Công Danh, son vice-président et secrétaire général Phan Khac Tu, et son vice-président et rédacteur en chef du journal Công giao & Dân tôc (Le Catholicisme et la Nation), l’Ordre de la Grande Union nationale. »
VIETNAM (2)
Le 27 août, la police de Hanoï a annoncé l’ouverture de poursuites judiciaires contre des responsables de la paroisse catholique de Thai Ha qui contestent l’accaparement d’un terrain paroissial par l’État. Elle a arrêté quatre personnes.
Le 28 août, 500 catholiques ont prié sur le terrain en question puis, dans la soirée, sont allés réclamer la libération de leurs coreligionnaires devant le siège de la Sûreté de l’arrondissement de Dong Da de Hanoï. Ils ont été dispersés sans ménagement par la police. On compte de nombreux blessés.
Dans la même soirée, à Saigon, comme l’avait annoncé le supérieur provincial des rédemptoristes dans sa lettre à ses confrères du 24 août dernier, une célébration eucharistique était organisée dans l’église de Notre-Dame du Perpétuel Secours, en union avec la communauté catholique de Hanoi. Plus de 3 000 personnes étaient venues participer à la célébration, parmi lesquelles des représentants de toutes les communautés rédemptoristes du Vietnam, 180 religieux, 22 de leurs supérieurs. Dans les quelques mots qu’il a prononcés, le supérieur provincial a souligné l’élan de solidarité que la lutte des paroissiens de Thai Ha soulevait dans toute l’Église au Vietnam, dans l’épiscopat comme dans le clergé et le peuple chrétien.