Une politique de civilisation, a proposé le président Sarkozy dans ses vœux à la nation et lors d’une conférence de presse très commentée. Le mot a été repris, moqué, loué tour à tour, mais le moins qu’on puisse dire est qu’il a fait mouche et qu’il a le mérite de faire réfléchir. Sans doute le mot civilisation peut-il être décliné dans bien des acceptions contradictoires jusqu’à provoquer de grandes querelles. Mais on peut du moins s’accorder sur une définition minimale qui ne préjuge pas des valeurs qui le complexifient : concevoir la politique en terme de civilisation c’est donner la primauté aux fins sur les moyens et c’est tenter de donner de la signification à une action collective. Telle est bien la volonté d’Edgar Morin, le dernier philosophe à s’être réclamé d’un projet pour orienter la communauté internationale vers un autre modèle de gestion des ressources de la planète, non sans préconiser préalablement un autre paradigme anthropologique.
La surprise est peut-être venue du fait que c’est un président particulièrement actif et pragmatique qui s’est prévalu d’un tel concept. Mais déjà les discours de la campagne présidentielle, rédigés par Henri Guaino, et l’allocution récemment prononcée à Saint-Jean de Latran montraient que Nicolas Sarkozy n’était nullement indifférent aux questions philosophiques et entendait même bousculer les mentalités figées, y compris un certain rationalisme laïque. Pourquoi tairions-nous notre intérêt pour une telle liberté d’esprit, même si nous tenons farouchement à notre indépendance et sommes prêts à durement interpeller le pouvoir si ses décisions contrevenaient à ce qui, pour nous, constitue l’esprit et le cœur d’une civilisation ?
Ce ne sont pas d’ailleurs les seuls chrétiens qui sont attachés à cette façon d’envisager la politique et l’organisation de la cité. Ceux que Jean-Louis Loubet del Bayle a appelés « les non-conformistes des années trente », et qui voulaient répondre à une crise profonde des démocraties menacées par les totalitarismes, appartenaient aux sensibilités les plus diverses, mais ce n’est pas pour rien qu’un Jean de Fabrègues, un Emmanuel Mounier ou un Arnaud Dandieu, dans leur désir de replacer les grandes interrogations dans le cours de la réflexion civique, préconisaient une nouvelle Renaissance. Plus de trente ans plus tard, Mai 68 allait réactiver les mêmes interrogations sous les modes les plus divers, aberrants ou prometteurs. Maurice Clavel, appelant à une révolution dans l’être, ou Cornélius Castoriadis, se projetant dans un imaginaire qui permet à une société de se réinventer, participent d’une espérance qu’ils modulent différemment. C’est aussi le cas d’un Jacques Ellul, voulant faire émerger l’espérance au sein d’un temps de déréliction, ce qui nous renvoie directement au souci actuel de notre pape Benoît XVI. Vouloir une politique de civilisation, c’est une façon de solliciter l’espérance afin de permettre aux hommes d’envisager un avenir fraternel et une renaissance commune.
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