A suivre certaines polémiques et jusqu’au courrier des publications religieuses, une partie de l’opinion catholique serait en désarroi, comprenant mal certaines orientations du pontificat, et reprochant à Benoît XVI de revenir en deçà des acquis de Vatican II. L’insistance du Pape sur la liturgie, sa volonté de réconciliation avec les traditionalistes sont interprétées par les mêmes comme significatifs d’une volonté de se démarquer de l’ouverture qui fut le mot d’ordre de plusieurs générations militantes. À force d’être répétées, ces accusations finissent par répandre un climat délétère qui produit conflits et découragements. Aussi importe-t-il de réfléchir sérieusement aux questions posées pour y voir plus clair et entreprendre un nécessaire travail de discernement. On doit, en tout cas, être assuré d’une chose, avant de poursuivre tout débat : ce Pape, loin d’être étranger à notre monde tel qu’il est et tel qu’il va, en est un des plus perspicaces observateurs, singulièrement lucide sur ses orientations intellectuelles et éthiques.
Si le collège des cardinaux a porté son choix sur Joseph Ratzinger, c’est qu’il lui semblait réunir toutes les aptitudes voulues, mais surtout une maîtrise impressionnante des problèmes avec la faculté de donner à l’Église les orientations exigées par la gravité des enjeux. C’est se méprendre totalement que de croire que ce pape vit loin des réalités, retranché dans une sorte de rêve passéiste. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que nombre de ceux qui lui adressent ces reproches sont souvent pénétrés de clichés déjà anciens, que leurs logiciels sont inadéquats par rapport à une société qu’ils pensent comprendre, mais dont ils ont une approche plutôt décalée.
Il suffit de lire l’encyclique de Benoît XVI sur l’espérance pour s’en convaincre. Non seulement la hauteur de vue qui est la sienne est précieuse pour entrer dans l’intelligence que la foi peut nous donner de notre insertion dans la vie, la culture et les choix de notre temps, mais elle nous arme également de sagesse à cette fin. Il ne suffit pas de se vouloir moderne pour l’être effectivement. Encore faut-il avoir de son époque une analyse en perspective qui offre des possibilités de jugement et d’action. Cette analyse, Benoît XVI, l’entreprend avec une puissance d’érudition et de problématisation peu commune aujourd’hui. Dans ses derniers mois d’existence terrestre, le cardinal Jean-Marie Lustiger, recommandait vivement de lire avec attention les textes du Pape, parce qu’ils étaient d’une justesse et d’une pertinence dont nous avons besoin aujourd’hui.
Aussi convient-il de dépasser la morosité de certains pour se mettre en état de réflexion et d’action dans une dynamique de foi et d’espérance. Notre monde réel est en attente de cette lumière qui jaillit d’une Révélation dont les exigences sont beaucoup plus secourables que les facilités d’un alignement sur les modes éphémères. ■
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.