« Le Christ et les religions ». Tel est le titre d’un excellent numéro de la revue catholique internationale Communio dont la parution intervient de la façon la plus heureuse dans nos débats contemporains. La volonté d’ouvrir le plus large espace de rencontre et d’échange entre les diverses religions du monde correspond à un double impératif, ecclésial et politique. Ecclésial, parce que depuis la déclaration Nostra Aetate de Vatican II et diverses initiatives de Jean-Paul II, les chrétiens ont voulu se montrer plus ouverts à l’égard des autres traditions spirituelles. Politique, parce qu’à l’heure de la globalisation, il n’est pas concevable que les religions ne communiquent pas pour parvenir au moins à une coexistence pacifique. Et cet objectif devient particulièrement crucial lorsque le facteur religieux est suspecté aujourd’hui de produire le plus grand risque de conflits mondiaux.
Notons d’ailleurs qu’il y a quelque chose de vicié dans cette polémique qui voudrait concentrer la violence sur les rapports interreligieux. Comme si la neutralisation spirituelle de la planète était la première condition de l’éradication des conflits ! René Girard a montré précisément que le sacré était apparu pour limiter efficacement la désintégration des corps sociaux menacés par la montée aux extrêmes d’une violence qui est inhérente à la condition humaine. Il est donc parfaitement ridicule d’escompter une pacification de la planète par « la privatisation » des convictions spirituelles. Ce n’est que par préjugé rationaliste qu’on répand pareille absurdité, amplement contredite par le déchaînement des « guerres d’enfer » depuis la fin du dix-huitième siècle.
Il n’en existe pas moins une nécessité de régler les relations des religions entre elles par des moyens qui ne relèvent pas exclusivement des politiques. La laïcité des États a des vertus incontestables lorsqu’il s’agit de protéger la liberté des consciences et l’exercice public des cultes. Elle est incompétente pour arbitrer les débats philosophiques et théologiques. D’où l’existence d’organismes interreligieux et le bien-fondé des rencontres organisées par la communauté Sant’Egidio dans l’esprit des rassemblements d’Assise. Mais l’expérience des dernières décennies a montré à la fois l’intérêt et les limites d’un dialogue dont les partenaires peuvent être dupes de ce qu’Iréna Fernandez appelle une harmonie inaudible. Ce que l’on croit partagé par les autres ne l’est souvent pas, en raison de différences métaphysiques irréductibles. Il ne suffit pas de se reconnaître dans une aspiration religieuse diffuse. Cela peut être le plus simple moyen de favoriser la cacophonie, ou en tout cas la fausse reconnaissance de l’autre.
Si Benoît XVI a décidé de repenser les conditions du dialogue interreligieux, c’était pour des motifs graves et déterminants. Les religions ne répondent pas forcément aux mêmes questions et il faut discerner le sens précis de leurs orientations théologiques et anthropologiques. En d’autres termes, pour les chrétiens, on ne fera jamais l’économie de la question posée par Jésus sur son identité divine, celle qui, à elle seule, appelle notre adhésion la plus intime.
Gérard LECLERC
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