Pour la mort de Maître Edmond Fricoteaux
Un homme d’exception au service de la Vierge.
Un deuil majeur
par l’abbé René LAURENTIN
Maître Fricoteaux notaire à Saint Denis, fondateur de Notre-Dame de France et des vierges pèlerines qui parcourent plus de cent vingt pays était un homme d’exception. Jeune notaire très doué, il avait rapidement doublé la dimension de son étude, il avait une grande maîtrise du droit, qu’il mettait en œuvre jusque dans les questions les plus subtiles selon le cas. Dans plusieurs affaires délicates, ou j’avais sollicité son aide experte il avait manifesté à ma surprise un recul et des dimensions d’humanité ou je percevais un lumineux reflet de l’Evangile même.
C’était un homme complet, une personnalité convaincante et rayonnante qui savait imposer ses évidences mûries, à tous les hommes de bonne volonté Il engageait ses qualités dans un vaste rayonnement : pour sa famille, ses amis, sa profession, ses clients, avec un rare ensemble de talents qui cadraient son enthousiasme avec rigueur, cohérence, humour et une juste pudeur en toute chose. Il gérait son étude à plein temps, il savait se faire remplacer pour l’excès de ses activités. Son portable était parfois saturé, mais il rattrapait l’impossible avec une sérénité olympienne en surfant tous les dépassements. Il avait prolongé la formation de son fils (qu’il tenait pour un cadeau du ciel) afin de lui donner des dimensions égales aux siennes. Depuis un an il repoussait ainsi sa retraite qu’il comptait prendre en janvier pour la consacrer plus pleinement à la Mère du Seigneur. Avant la dernière ligne droite, il avait pu se ménager fin octobre des vacances familiales aux Antilles. Il était parti en pleine forme mais le lundi son cœur s’est soudain arrêté… Parmi d’autres amis, je lui dois une immense reconnaissance.
Au seuil de la cinquantaine, une passion profonde avait émergée dans sa vie : servir la Mère du Seigneur ; notre Mère qu’il avait découverte, retrouvant l’expérience de saint Louis Marie Grignon de Montfort, auteur du « secret de Marie ». Au contact des textes,il savait enseigner avec un enthousiasme soutenu, faire vivre et comprendre dans ses pèlerinages, y compris à Medjugorje : son lieu d’élection et il avait mis cette allégeance amoureuse (il osait employer ce vocable) au service de vastes projets : Notre Dame de France avait rassemblé un large comité, puis des foules pour acheter un vaste domaine de cinquante hectares pour réveiller le vœu de Louis XIII qui par une loi constitutionnelle avait remis spirituellement son pouvoir de Roi de France à la Vierge Marie.
Il avait été chercher la remarquable statue de l’exposition universelle de 1937 en pièces détachées, conservée par une mairie communiste de nord, il l’avait érigée au centre du terrain, quadrillé progressivement d’allées et d’arbres symboliques, en mobilisant pour chaque aspect de l’œuvre des compétences adéquates.
Il voulait y édifier une basilique et projetait de remettre à son évêque d’alors le domaine, le projet, les moyens d’édifier une basilique nationale (analogue au Sacré-Cœur de Montmartre) clefs en main. Le successeur pour des raisons administratives engagea toutes ses capacités contre ce projet. Maître Fricoteau qui avait un immense cercle de relations, réussit pourtant à inaugurer Notre Dame de France sous la présidence du Cardinal Lustiger qui célébra la messe devant Cinquante mille personnes venues de toute la France (Chrétien Magazine avait diffusé 220000 exemplaires pour stimuler le projet) mais le projet de basilique resta bloqué de main de maître.
Maître Fricoteaux arrêté dans cet élan conçut alors un vaste projet mondial. A défaut d’un pèlerinage national français, que la vierge de la visitation (partie « en hâte » chez sa cousine Elisabeth après l’annonciation), se fasse pèlerine dans le monde entier. Il fit réaliser onze mille statues qui jusqu’à ce jour pérégrinent de famille en famille, de paroisse en paroisse sur les cinq continents.
Grâce à son vaste réseau de relations, successivement étendu de ses relations notariales juridiques et parisiennes à tous les niveaux chrétiens, humains et internationaux, il a réussi, profondément et sans éclat son œuvre à la gloire de Marie. Plusieurs cardinaux soutenaient son œuvre à Rome et pour les vierges pèlerines, il avait obtenu une bénédiction sur la place Saint Pierre mais cette œuvre pour la Vierge, à laquelle il va beaucoup manquer, lui avait valu de divers côtés des oppositions discrètes mais implacables. Cet homme qui avait une fierté à la mesure de sa valeur apprit l’humilité sans rancune. C’est ce que j’ai le plus profondément admiré chez lui. Il avait assumé ces humiliations poignantes sans perdre son assurance et sa fierté.
Rien n’est plus rare ici bas car « Il faut beaucoup d’humiliations pour arriver à l’humilité » disait Bernadette qui en avait tant subies avant que sa gloire ne s’impose.