3092-Mise à nu permanente - France Catholique
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La justice de Dieu
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3092-Mise à nu permanente

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En matiere de revendication, la mode est au minimalisme. Contre le réchauffement climatique, Greenpeace a montré, en septembre, 600 corps nus se fondant sur un glacier alpin. Au printemps dernier, à Paris, des «vélorussionnaires» ont défié la préfecture de police en pédalant tout nus «contre la voiture». Certains furent embarqués sans ménagement sous l’œil excité des caméras. Deux poids, deux mesures : les traditionnels exhibitionnistes – très minoritaires mais bien réels – de la gay-pride, qui suivait cette manifestation d’une semaine, ont pu défiler sans être inquiétés. Depuis longtemps, l’ambiguïté est entretenue en matière de prévention du Sida : au nom de l’efficacité des campagnes on publie les clichés les plus crus.

Les ruraux se sont mis de la partie. Non contents de s’être fait photographier en 2005 en plus simple appareil afin d’ex­primer leur « ras-le-bol de passer pour des ploucs », des agriculteurs de la région de Par­thenay ont récidivé cette année en associant à la fête six de leurs compagnes. Des poses dans la paille, à la pêche ou au flanc de quelque bête. À la clef, 8 000 calendriers et un bénéfice escompté de 56 000 € reversé au Téléthon. Suffit-il que la cause soit juste pour désinhiber ? Le photographe des paysans naturistes d’un jour, Daniel Mar affirme : « ça permet de démythifier les préjugés ». Pour le moment, il a pris soin de masquer l’essentiel par quelques végétaux cache-sexe.

Démarche inverse pour les « dieux du stade », calendrier commercial bien lancé, où s’exhibent annuellement des joueurs de rugby parisiens. Au fil des années, la nudité est de plus en plus explicite, les pauses lascives et les mises en scène jouent avec l’ambiance pornographique.
Se dénuder pour un sportif devient un must : escrimeurs, acrobates, footballers, hockeyeurs, surfeurs… c’est à qui posera dans l’exercice de son sport, sans l’habit. De juteuses opérations « ves­tiaires ouverts » se multiplient. Le phénomène est planétaire : en vrac, les pompiers de New York, des personnes handicapées et, prétend-on, certains Mormons ont décidé de sortir du bois pour montrer qu’ils étaient eux aussi dignes d’être vus tels quels.

Plus compréhensible, mais dans la même veine, la brochette des femmes de l’ac­tuel gouvernement a tenu à lancer une campagne de prévention du cancer du sein devant de grandes affiches de femmes torse nu. Pas de quoi s’effaroucher au regard de ce qui précède, et de ce qui suit : les photographies de pères Noël naturistes d’un Jurassien ont soulevé une vague de protestation. Quant à celle d’une jeune femme anorexique publiée il y a un mois par une marque de vêtements italienne, elle a provoqué l’indignation, bien que le modèle décharné ait affirmé avoir voulu se montrer nue pour témoigner de son combat contre la maladie.

Le nu public est devenu un phénomène de masse avec le New-Yorkais Spencer Tunick. Depuis 1994, on ne compte plus les volontaires qui se sont prêtés à ses mises-en-scène dans les capitales du monde. Récusant toute idée de provocation, il affirme « explorer le rapport entre le corps et son environnement ». 3 500 volontaires étaient inscrits pour l’édition de Caracas (Venezuela). Un publicitaire se joignant à un déshabillage à Lyon a toutefois avoué sa gêne ; certaines photos de Spencer lui font « penser aux charniers » : « J’y suis allé en m’efforçant d’oublier cette image, sauf que quand je me suis retrouvé nu, à 5 h du matin, marchant dans le froid, sur un sol humide, parmi des milliers d’autres corps et obéissant aux ordres d’un homme grimpé sur une estrade… inévitablement, j’y ai pensé. »

La surenchère finira-t-elle par lasser ? Une publicité pour Canal satellite se démarque d’une improbable chaîne de télévisions « Tout nu TV » : on y voit une course cycliste en pays naturiste où spectateurs et champions sont floutés. « Se montrer nu » semble être devenu « le comble de l’authenticité » ironise à son tour, dans le magazine Elle, Dorothée Wermer qui dénonce « la tyrannie du déballage de soi, transformant la vie intime en publicité ». Faut-il re­lier l’impudeur au déficit de vie intérieure ? C’est en tout cas le voyeur qu’on vient réveiller en nous. Et tout cela comme s’il n’y avait pas d’enfants dans l’espace public.

Tugdual DERVILLE