On apprenait, la semaine dernière, que 137 responsables musulmans du monde entier venaient d’adresser au Pape et à d’autres responsables chrétiens un appel pressant au dialogue. Il s’agit là d’une initiative intéressante et encourageante, que n’a pas manqué de saluer le cardinal Jean-Louis Tauran, nouveau président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Déjà il y a un an, un premier texte signé de théologiens musulmans, avait voulu rebondir sur la célèbre conférence de Ratisbonne pour sortir des polémiques empoisonnées et proposer une véritable concertation entre croyants. Un pas de plus se trouve encore franchi avec ce texte inédit qui n’hésite pas à proposer le thème de l’amour de Dieu en se référant à la révélation biblique, par rapport à quoi « le prophète Mohammed n’a rien apporté de fondamentalement nouveau ». Est-ce à dire qu’un dialogue proprement théologique est possible entre chrétiens et musulmans en dépit de leurs différences dogmatiques et de la difficulté de trouver un terrain commun quant au cœur même de la foi, c’est-à-dire la façon dont Dieu s’est révélé et nous a transmis le secret de sa propre vie ?
On connaît les graves motifs qui avaient amené le pape Benoît XVI à dissocier dialogue culturel et dialogue théologique, le domaine interreligieux ne pouvant relever des mêmes critères que le domaine œcuménique, où se retrouvent ceux qui
confessent leur foi au Christ, Verbe de Dieu. Depuis Vatican II les relations avec le judaïsme relèvent de l’œcuménisme à cause de la redécouverte du lien intime et fondateur qui rend les chrétiens débiteurs de la Première Alliance. Il est vrai que l’Islam pose un problème spécifique, puisqu’il se réclame de la paternité d’Abraham et reconnaît le Christ comme Messie, avec cette conséquence peu évaluée d’une attente de la Parousie de la part des fils du Prophète ! Mais, c’est aussi la proximité qui provoque les plus graves incompatibilités, dès lors que l’Islam se veut le dernier mot de la Révélation.
Si les obstacles demeurent et ne peuvent être en aucun cas sous-évalués, il n’empêche que cet appel de 137 responsables musulmans ouvre des perspectives en faveur de la paix et d’une amicale compréhension. Il est d’autant plus nécessaire de ne pas refuser la main qui nous est tendue que l’Islam se trouve confronté à des sollicitateurs extrémistes. Dans son dernier livre, René Girard souligne « que la montée aux extrêmes est capable de se servir de tous les éléments : culture, morale, théorie de l’État, théologie, idéologie, religion »*, et qu’il est urgent de soustraire à l’extrémisme un religieux renvoyé à ses usages archaïques. La bonne volonté de beaucoup de musulmans, telle qu’elle s’exprime aujourd’hui, doit être aussi saluée comme un signe de refus de l’exploitation du divin au service de la violence. ■
* René Girard, Achever Clausewitz, éd. Carnets Nord, 368 pages, 22 e.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- De Tibhirine aux quatre Forums régionaux 2015 : huit ans de dialogue islamo-chrétien
- Causeries du Cardinal Tauran
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010