Pourquoi Roselyne Bachelot reprend-elle à son compte les revendications du Planning familial, que ne partagent pas la plupart des professionnels de santé ?
A l’heure où débute sa campagne de promotion de la contraception, une déclaration de Roselyne Bachelot est venue contredire l’objectif affiché de diminuer le recours à l’avortement, unanimement jugé élevé dans l’Hexagone. Le ministre de la Santé a annoncé que la prochaine loi de financement de la sécurité sociale comportera une disposition autorisant les Centres de planning familial à «donner les médicaments de l’IVG». C’est du RU486, la pilule abortive dont il est question et de l’avortement à domicile.
Roselyne Bachelot ne fait que confirmer l’évolution de la doctrine publique à propos des avortements. Plus que de la baisse de leur nombre, les organismes et les personnalités pour lesquelles «le droit des femmes à disposer de leur corps» prime sur toute autre considération, rêvent d’un avortement indolore, invisible et sans conséquence. Et ils imaginent qu’il suffit de rendre ce geste précoce, et domestique.
Les pouvoirs publics entendent donc dissocier deux types d’avortement. D’un côté le vieil IVG chirurgical est désormais reconnu comme traumatisant pour les femmes voire risqué pour la suite de leur fécondité… De l’autre, l’ «IVG médicamenteuse» est présentée comme «non-traumatisante» selon l’expression de Philippe Douste-Blazy, prédécesseur de l’actuel ministre qui avait justifié ainsi les dispositions réglementaires permettant de recourir à cette forme d’avortement à domicile. (Un sondage BVA réalisé auprès de 1000 femmes avait cependant révélé que 50% des Françaises estimaient que la loi instaurant l’avortement médicamenteux à domicile «allait dans le mauvais sens car elle risquait de banaliser le recours à l’IVG» alors qu’elles n’étaient que 43% à l’approuver.)
Dans la présentation de la nouvelle mesure, c’est bien sous le titre «limiter les risques liés aux IVG chirurgicales» que le gouvernement annonce sa décision de «faciliter les IVG médicamenteuses», estimant insuffisante la part de 42% qu’ils prennent dans le total des avortements. Une option que l’auteur du texte légitime en affirmant : «les associations soulignent régulièrement les difficultés d’accès aux IVG, notamment les IVG médicamenteuses, en raison des délais d’attente souvent long prévus par les établissements de santé et le nombre encore peu important de médecins de ville impliqués dans le dispositif».
On retrouve ni plus ni moins le leit motiv du Planning familial. Pourtant de plus en plus de Centres de planification notent que l’IVG à domicile abandonne les femmes à une situation dramatique. Alors qu’ils déconseillent d’orienter les femmes isolées ou fragiles vers l’IVG à domicile, Roselyne Bachelot a défendu sa mesure en affirmant : «cela doit rendre ce type d’IVG plus accessible aux femmes les plus vulnérables, notamment les jeunes femmes».
Ignorées, les associations qui leur proposent une alternative à l’avortement dénoncent un mensonge et une injustice. Contrairement aux idées reçues le geste d’auto-administration d’un produit abortif n’a rien d’anodin. Beaucoup de femmes l’endurent dans la solitude, la souffrance et les remords. Le mot «médicament» entretient la confusion. En réalité, il leur faut absorber à plusieurs heures d’intervalle, deux produits. Leurs témoignages sont poignants, en particulier lorsqu’après la première prise, certaines voudraient déjà revenir en arrière. Puis il faut attendre le «résultat» qui peut imposer des images crues, qu’on ne peut oublier. Sans compter les éventuelles complications qui feront retourner des femmes à l’hôpital pour subir le curetage qu’elles pensaient éviter.
La «facilitation» de l’avortement médicamenteux devrait contribuer à augmenter les statistiques de l’IVG. La panique y précipite les femmes avant la cinquième semaine de grossesse, l’avortement chirurgical, plus tardif, étant présenté comme un repoussoir.
Parmi les Centres de planification et d’éducation familiale visés par le projet de loi de finance figurent ceux du Planning familial, association vers laquelle les gouvernements ont pris l’habitude d’orienter les femmes. Alors que la plupart des médecins de villes répugnent à s’impliquer dans la pratique abortive, les militants du Planning y voient la solution évidente pour toute femme enceinte en difficulté. Ils revendiquent même ouvertement les filières d’avortement à l’étranger lorsqu’elles ont dépassé le délai légal français.
Malgré son exhortation à voter contre Nicolas Sarkozy au second tour des élections présidentielles, le Planning bénéficie, avec Roselyne Bachelot, d’un relais bien placé au gouvernement… Entre l’idée de la rupture d’avec mai 68 et la réalité de l’idéologie dominante, c’est déjà le grand écart.