Il y a quarante-cinq ans, le 11 Octobre 1962, s’ouvrait solennellement dans la Basilique Saint Pierre de Rome, le second concile de Vatican. L’événement tant de fois commenté a-t-il besoin d’être encore commémoré, a fortiori à l’occasion d’un anniversaire qui ne justifie pas une solennisation ? Résolument oui, car un concile de cette dimension, est par définition proprement inépuisable. On en veut pour preuve les récentes discussions autour du Motu Proprio sur la liturgie. Certains ont exprimé la crainte d’un retour en arrière par rapport aux acquis du renouveau de l’Eglise. D’autres mettent en avant les doutes que leur inspirent certaines audaces à propos de la liberté religieuse et du dialogue interreligieux. A quoi il convient de répondre qu’un concile est toujours à la fois une grâce et une épreuve. C’était un thème favori du cardinal Joseph Ratzinger qu’il illustrait de nombreux exemples tirés de l’Histoire. La réforme de toute institution se paie de troubles auxquels l’Eglise ne saurait échapper. Par ailleurs, Vatican II s’est trouvé impliqué dans un processus de crise de civilisation, issu des années soixante, dont le monde occidental ne s’est pas encore sorti et dont l’actuelle globalisation prolonge indéfiniment les effets.
Contre une appréciation pessimiste, nous sommes enclins à affimer qu’il est heureux que Vatican II ait eu lieu alors que cette crise se déclenchait dans les pays occidentaux. Sans l’enseignement conciliaire et les mises au point auxquelles il a donné lieu, l’Eglise et les chrétiens auraient été infiniment plus désarmés pour se situer dans cette dépression culturelle. Les principaux documents conciliaires ont permis un aggiornamento doctrinal et pastoral, qui était tout autre chose qu’un facile alignement sur les idéologies du moment. Sans doute y a-t-il, notamment pour la constitution Gaudium et Spes, quelques éléments contingents à dépasser, mais c’est pour mieux saisir l’essentiel qui est considérable. Grâce à cette constitution, l’Eglise est en mesure de formuler un jugement autorisé sur les grands sujets débattus dans notre monde actuel. Ayant retrouvé sa pleine indépendance spirituelle, elle est à même de s’exprimer comme ont pu le faire les derniers papes, singulièrement Jean-Paul II et Benoît XVI, pour la défense et l’illustration d’une culture de vie.
Sans doute y a-t-il des leçons à retenir, notamment quant à l’information sur le déroulement du concile et quant à l’orchestration de son enseignement. Vatican II s’est déroulé au moment même où naissait la civilisation contemporaine des moyens de communication modernes. Le concile a été à la fois bénéficiaire et victime d’un mode inédit de transmission, justiciable de ce que Régis Debray appelle la médiologie, c’est-à-dire la discipline apte à analyser l’idéologie et les procédures de cette communication. La prolifération des images qui coïncide avec la simplification binaire des commentaires, l’instrumentalisation spectaculaire des thématiques, constituent désormais un domaine d’investigation en soi. La perception et la réception de l’événement conciliaire ont été sensiblement modifiées par les impératifs de séduction de l’instrument de résonnance que constitue le complexe médiatique. Aujourd’hui encore, nous avons à nous livrer à une élucidation qui nous restitue la vérité et la profondeur d’un enseignement, bien au-delà de ses interprétations superficielles et polémiques.
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