Le 29 mai dernier, un millier de chrétiens sont descendus dans les rues de New Delhi pour protester contre ce qui est perçu comme l’inaction des autorités fédérales face aux violences anti-chrétiennes commises ces derniers mois dans le pays. « La violence n’engendre pas la paix », « laissez les chrétiens vivre et servir » scandaient les manifestants. Il faut dire que la pression se fait de plus en plus forte. Parmi une centaine d’actes qui ont eu lieu depuis un an, citons l’assassinat du père Eusèbe Ferrao le 17 mars 2006 dans l’Etat de Goa et celui de Jacob Fernandez, laïc catholique, le 26 novembre au sanctuaire du Mont Saint Thomas à Chennai (Tamil Nadu).
En même temps que ces actes, force est de constater la tentative de légaliser des restrictions de la liberté religieuse. En recevant l’ambassadeur de l’Inde auprès du Vatican il y a quelques mois, Benoît XVI avait exprimé que de telles dispositions étaient « contraires aux idéaux les plus élevés des pères fondateurs de l’Inde ».
Malgré de nombreux obstacles, l’Eglise catholique se développe, comme par exemple dans le diocèse de Itanagar (nord-est du pays) dans l’Arunachal Pradesh, premier État de l’Inde à promulguer une loi anti-conversion en 1978. « Jusqu’à présent, les baptêmes y sont interdits », a affirmé Mgr John Thomas Kattrukudiyil, évêque d’Itanagar. Pourtant, le diocèse compte aujourd’hui près de 100.000 catholiques, « et leur nombre est en train d’augmenter », dit-il.
L’Église est également aux avant-postes du combat pour défendre les droits et la dignité de tous ceux qui sont considérés comme « intouchables », les dalits, auxquels la Constitution indienne reconnaît une protection particulière quand ils sont hindouistes, sikhs ou bouddhistes (mais pas s’ils sont chrétiens ou musulmans, du moins tant que la Cour suprême n’en aura pas jugé). Tout en souffrant donc de discriminations supplémentaires, les dalits chrétiens subissent des agressions de la part de groupes intégristes qui veulent les convertir à la religion hindoue.
L’Eglise prend également très au sérieux la situation des femmes qui a empiré ces dernières années. Toutes les sept minutes, une femme meurt pour des causes liées à la grossesse, tandis que l’élimination volontaire des fœtus féminins a atteint des proportions dramatiques. Selon un récent rapport de l’UNICEF, 71.000 enfants naissent chaque jour en Inde, mais seules 31.000 sont des filles. Ce déficit d’au moins 5.000 filles par jour signifie près de 2 millions de filles en moins par an ! Selon Mgr Stanislaus Fernandes, secrétaire général de la Conférence épiscopale catholique indienne, « dans l’Inde rurale, il faut une attention spéciale pour les petites filles, parce que les discriminations commencent dès la naissance et deviennent toujours plus tragiques ».
Nous pouvons confier cette Eglise et ce pays à la Bienheureuse Alphonse (Anna Muttathupadam), une sœur originaire du Kerala, qui sera la première sainte indienne : le décret de canonisation a été signé par Benoît XVI le 1er juin. Une preuve concrète et visible que la foi catholique s’enracine en Inde. Les fruits vont nous surprendre !
Marc FROMAGER
directeur de l’AED-France