Que les Français expriment massivement leur choix à l’occasion du premier tour de l’élection présidentielle constitue une heureuse nouvelle. On a trop déploré l’abstention civique pour ne pas se féliciter d’une mobilisation significative, il faut l’espérer, d’un retour au bien commun, à l’encontre de la tentation de l’éparpillement individualiste. Doit-on comprendre pour autant que le peuple français, à travers le geste concret du vote, signifierait une conscience renouvelée des grands choix sociaux, économiques, politiques, éthiques, en reconnaissant le poids des valeurs fondamentales à l’encontre du nihilisme consumériste et de ce qu’un sociologue, Gilles Lipovetsky, appelait l’ère du vide ? Il n’est pas interdit de se poser la question, en réservant d’ailleurs sa réponse.
Notre société est traversée par des courants contrastés qui, parfois, l’amènent à porter des jugements éclairés à propos de dérives graves. On le vit par exemple, au moment du fameux arrêt Perruche qui consacrait en quelque sorte “le préjudice de naissance”, dès lors qu’on avait laissé en vie un enfant handicapé. L’opinion réagit alors en vertu d’une sorte de pressentiment supérieur : la dignité humaine était en cause et la perspective d’un eugénisme généralisé refusée. Mais, en d’autres occasions, la même opinion paraît ébranlée, sensibilisée par l’appel à l’euthanasie, inclinant vers le mariage homosexuel, refusant même aux religions de s’exprimer publiquement sur de tels sujets. Certes, les fluctuations que reflètent les sondages, montrent une mobilité extrême qui s’explique largement par une absence de principes et parfois une véritable régression culturelle. Celle-ci est en rapport direct avec l’absence croissante de formation chrétienne mais aussi générale, au sens classique du terme. On n’hérite pas impunément de ce qu’Alain Finkielkraut appelait la défaite de la pensée.
C’est une des raisons les plus déterminantes pour considérer avec gravité notre choix présidentiel, parce qu’il est lié à des choix symboliques qu’on peut qualifier d’ultimes. Il existe un certain nombre de paramètres qui permettent d’apprécier les programmes des deux candidats qui sollicitent notre suffrage le 6 mai. Le respect ou la réforme de nos institutions, l’insistance sur la régulation des flux économiques liés à la mondialisation, la hantise de notre devenir écologique. Mais le paramètre anthropologique n’est pas pour les chrétiens le plus mineur. Il détermine une vision de la société qui entraînera des évolutions risquant de modifier complètement nos structures les plus fondamentales. C’est pourquoi la décision du 6 mai se trouve surdéterminée par des principes qui ne sont pas négociables.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- MESSAGE POUR LA JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX
- Elire selon des valeurs ?
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.