Pourquoi les chrétiens devraient-ils s’exprimer sur le terrain politique en tant que tels ? Après tout, une méfiance assez justifiée à l’égard du communautarisme religieux pourrait s’adresser également à notre communauté qui s’érigerait en groupe de pression. Un candidat comme François Bayrou, catholique déclaré, se déclare farouchement laïque sur le terrain civique, et affirme que c’est comme citoyen et non comme chrétien qu’il détermine ses choix politiques. A priori cette position n’a rien de scandaleux. Depuis les origines, le christianisme a agi en faveur d’une désacralisation du politique (sous l’Empire romain) et (sous la période dite de Chrétienté) il a laïcisé le pouvoir, en lui retirant toute initiative en matière spirituelle. Il serait donc plus que paradoxal que les chrétiens réclament aujourd’hui quelque resacralisation que ce soit. La séparation des domaines demeure un impératif évangélique dont les menaces fondamentalistes actuelles se chargent de rappeler le bien fondé.
Et pourtant, nous maintiendrons, aussi fermement, que l’intervention des chrétiens sur la scène politique n’a jamais été aussi nécessaire. Mais celle-ci répond à bien autre chose qu’à une logique communautariste. Elle se réclame d’abord d’une sagesse au service des hommes, sagesse impérieuse certes, extrêmement exigeante, mais qui satisfait aux exigences de la raison accessible à tous. Certes, la foi éclaire l’intelligence, mais nullement au titre d’une désappropriation de celle-ci. Bien au contraire, c’est de libération qu’il s’agit. Et si l’histoire de l’Europe est une invitation à reconnaître à quel point notre continent est redevable au legs du christianisme, ce n’est pas au sens d’un déterminisme qui nous créerait “ethniquement” chrétiens. C’est au sens d’un dynamisme qui nous invite à poursuivre sans cesse une aventure émancipatrice. Nous ne réclamons aucun titre définitif à une appropriation de l’Europe ou de la France. Nous insistons, de toutes nos forces, pour que l’esprit public ne soit pas enfermé dans une pseudo-neutralité qui privilégie le nihilisme et les contre-valeurs. Nous ne voulons pas imposer une idéologie, nous entendons proposer un questionnement incessant sur l’homme, pour que celui-ci échappe à la prison des conformismes, celle d’une prétendue modernité étant plus étouffante que toutes. L’engagement des chrétiens en politique doit être le gage de la liberté retrouvée dans un monde qui prétend en avoir la formule magique, comme pour la rendre toujours plus dérisoire.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918