3064-La bonne conscience - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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3064-La bonne conscience

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16 FEVRIER (suite)

Franz-Olivier Giesbert fut un des premiers à révéler ce Chirac secret, en notant la stupéfaction de Mitterrand découvrant lors d’un dîner secret la culture étonnante de son commensal. Par la suite, on a appris les fréquents voyages du maire de Paris en Chine et au Japon, ses connaissances en art et sa familiarité avec les dynasties impériales. Mais, en ce qui me concerne, et malgré Bernard Billaud et Eric Zemmour, je n’avais pas saisi, ou voulu admettre, combien cet intérêt pour le non-Occident, avait façonné une personnalité au point de la rendre atypique, décalée, et en partie impénétrable. Cela pose quelques problèmes sur le rapport de Jacques Chirac au christianisme. Si l’on se fie à ses déclarations sur la supériorité de la mystique extrême-orientale, il y a de quoi être perplexe.
La discussion à partir du comparatisme actuel sur les mérites respectifs des religions me renvoie à une récente discussion avec une de mes filles sur la notion de supériorité dans l’ordre philosophique et religieux. L’égalité étant la valeur-étalon de notre temps, se réclamer d’une supériorité quelconque est souvent considéré comme une agression. Ne parlons pas de supériorité d’une religion ! Cela relève quasiment du racisme. J’admets d’ailleurs qu’il y a quelque chose de recevable dans cette plainte car le mot est équivoque et renvoie à un ordre assez étranger à celui de l’esprit et à celui de la charité. Est supérieur ce qui domine, affirme sa maîtrise sur les choses en vertu de sa force matérielle, d’un prestige mondain ou d’une course à la puissance et à l’emprise. En grec cela donne kratein, c’est-à-dire l’emporter en force. Chez Aristote, la démocratie constitue le régime où la classe populaire domine et l’aristocratie celui où la classe supérieure l’emporte. Le mot arché au contraire renvoie à un ordre de légitimité différent de la force. Il signifie à la fois principe, commencement ou commandement. La charité, c’est encore une autre intelligibilité, celle qui nous permet d’accéder au mystère divin et ne saurait s’évaluer en terme de supériorité humaine, trop humaine.

22 FEVRIER

Le magazine Elle ayant fait sa publicité sur l’annonce d’un entretien avec le psychanalyste Michel Scheidner, je me suis empressé de me procurer le dernier numéro, assez surpris de pareille conjonction. Michel Schneider à Elle, pourquoi pas Eric Zemmour ? L’intéressé n’est-il pas l’auteur d’un essai provocateur dont le seul titre est un programme : Big mother. Le pourfendeur du nouveau matriarcat serait-il devenu persona grata dans cette citadelle du féminisme ? J’avoue que je serais bien en peine de dire quel accueil Elle avait fait à Big mother, car a priori ce genre de brûlot a de quoi faire hurler les chiennes de garde et autres avocates du fémininement correct. Après tout, certaines offensives finissent peut-être par ébranler le prêt à penser idéologique et on parvient à comprendre que la confusion des sexes (titre du nouvel essai que Schneider vient de publier dans l’intéressante collection Café Voltaire chez Flammarion) joue complètement au détriment de la cause féminine.
Dans le même registre, j’avais avalé cette semaine le livre de Sylviane Agacinski, intitulé Engagements (Seuil) qui reprend une série d’interventions de la philosophe sur le combat des femmes, la parité et la défense de la spécificité des sexes. De ce point de vue, il y a convergence avec Schneider sur l’importance de la réalité du corps sexué que la théorie des genders rejette obstinément. Mais il y a aussi désaccord sérieux entre l’un et l’autre, Schneider n’admettant pas la politique des sexes d’Agacinski, une idée à laquelle je résiste moi aussi, tout en admettant certains des présupposés qui la fondent. La charge assez terrible de l’essai de Schneider contre un aspect prédominant de la politique selon Ségolène Royal, me fait pencher de son côté sans aucune équivoque : “Il n’est pas de domaines des mœurs ou de la famille où la candidate n’ait imposé ou soutenu le programme du socialisme asexualiste : féminisation des noms de fonction ; transmission maternelle du nom de famille ; “droit aux origines” ; ralliement à la filiation du psychique au biologique ; mise en place d’une indistinction entre père et mère sous “l’autorité parentale” ; assignation du père comme substitut d’une fonction parentale confiée aux mères et possibilité d’instituer par l’adoption deux “mères”, enfin récemment, mariage et filiation entre personnes du même sexe”. Voilà qui fait masse et pèse lourd dans la direction d’un éclatement social, familial et anthropologique.
Le plus grave est que tout cela se fait au nom d’une bonne conscience sûre d’elle-même, d’un moralement correct – comme dirait Jean Sévillia – difficilement soupçonnable parce que contraire à tous les préjugés humanistes et humanitaires. Comment faire comprendre qu’une société se suicide métaphysiquement, moralement, physiquement en étant bercée par le chant du progrès, de la bienveillance compassionnelle et de la sollicitude maternelle. Big mother !

(à suivre)