3062-L'Eglise : quelle autorité ? - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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3062-L’Eglise : quelle autorité ?

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En dépit des prétentions scientifiques des analystes des phénomènes de société – notamment religieux – beaucoup d’a priori idéologiques grèvent jugements et interprétations. Ainsi on nous explique, à longueur de colonnes, que l’Eglise catholique a perdu toute autorité sur les consciences depuis que la France s’est déchristianisée. Est-on si sûr que, dans un pays beaucoup plus massivement pratiquant, sa parole était si écoutée et si bien comprise qu’on semble le présupposer ? Il y a une certaine naïveté dans la perception d’une société de chrétienté où les fidèles auraient reçu docilement les injonctions lancées par le clergé et observé “scrupuleusement”, dans l’intimité des foyers, les
commandements. Une connaissance plus fine de l’Histoire oblige à une approche nuancée des relations entre Eglise enseignante et peuple chrétien, en risquant de désenchanter un passé fantasmé.

Par ailleurs, on a l’habitude de désigner la publication de l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI (en 1968) comme l’événement qui a révélé le plus cruellement le divorce entre le magistère catholique et la société des sixties. On n’a éventuellement pas tout à fait tort, mais il n’est pas évident qu’en son temps l’encyclique Casti connubii de Pie XI ait été mieux acceptée dans le secret des cœurs. Un historien comme Philippe Ariès, dans ses travaux pionniers sur les attitudes devant la vie, a montré, par exemple, que les populations restées les plus chrétiennes dans la France du début du XXe siècle n’avaient pas échappé au grand courant malthusien des temps modernes. Certes, l’influence de l’Eglise a parfois freiné les évolutions, ou les a inscrites dans certaines limites, mais d’autres facteurs sociologiques jouaient, qui modèrent les interprétations trop rapides et obligent à construire des modèles plus
complexes. En un mot, il y aurait lieu de prendre beaucoup de recul face à des affirmations péremptoires, celles qui trop souvent structurent ce qu’on appelle la sociologie religieuse.

La parole inspirée par l’Evangile est toujours intempestive, elle bouleverse les certitudes et oblige à se remettre en cause. C’est pourquoi elle est si souvent mal supportée. Jésus lui-même fut souvent incompris. Pourtant il parlait à un peuple nourri de la parole de Dieu, instruit de ses commandements et prévenu de longue date par les Prophètes des séductions du monde païen. “Nombre de ses disciples se retirèrent et cessèrent de l’accompagner.” (Jn 6-66) Comment cette déconvenue pourrait-elle être évitée à ceux qui reçoivent la mission d’appeler à la conversion continuelle des cœurs ? Cette mission particulièrement significative du carême qui nous prépare à Pâques.

Gérard LECLERC