3062-Etat de Veil - France Catholique
Edit Template
Funérailles catholiques : un temps de conversion
Edit Template

3062-Etat de Veil

La nomination de Simone Veil à la présidence du comité de soutien à Nicolas Sarkozy attendait la fin de son mandat au Conseil constitutionnel, et la journée de la femme le 8 mars.
Copier le lien

Coup double. La toute nouvelle présidente du comité de soutien de Nicolas Sarkozy, lui fait marquer des points sur ses plus dangereux rivaux.

Simone Veil est centriste. Au jeu d’échecs tendu qui se joue sur le terreau électoral censé faire la différence, la reine des sondages fait figure de pièce maîtresse. Objectif : mater la rebellion de François Bayrou, au moment où ce dernier paraît avoir le vent en poupe.

Simone Veil est une femme. Encore un peu jeune, Ségolène Royal n’a pour le moment jamais fait partie de celles que les Français ont placées en tête des enquêtes de popularité. Elle a beau promettre aux mineurs une contraception libre et gratuite, cette surenchère ne peut rivaliser avec les états de service de son aînée. La candidate du PS a même un peu perdu dans la campagne les qualités qui en faisait une Simone Veil de gauche : courageuse, indépendante et authentique. Les femmes du monde suspectent la « militante anti-string » de pudibonderie et lui préfèrent une « valeur sûre du féminisme ». Simone Veil est à la politique ce que sœur Emmanuelle est à l’humanitaire : incontestable.

Peu étonnant que l’ancien ministre Lionel Stoleru, qui drague les voix social-démocrates au profit de Nicolas Sarkozy, en s’affichant « de centre-gauche », l’invoque comme caution : « Je participe, depuis sa création, auprès d’Antoine et de Simone Veil, au Club Vauban, qui réunit des élus de droite et de gauche soucieux de rechercher en commun des solutions à nos problèmes de société. » (Le Figaro, 21 février) Son égérie exhibe une image à faire pâlir d’envie les plus gauchistes des ultra-féministes. Alternative libertaire se croit obligée de lui contester la paternité de l’Interruption volontaire de grossesse dans son argumentaire pour les élections 2007 : « En 1975, faut-il le rappeler, ce n’est pas l’action de Simone Veil qui a permis la légalisation de l’avortement, mais bien la mobilisation et l’action militante des femmes, qui ont fait plier un gouvernement d’hommes attachés à l’ordre moral et au contrôle du corps des femmes. » Las, la France, toujours prompte à personnaliser les étapes de son Histoire a jeté aux oubliettes les militantes marxistes de l’avortement, en compagnie des centaines de parlementaires des années 70 – des hommes dans leur immense majorité – qui ont voté l’IVG. On n’a retenu qu’un nom : le sien, et une crise de larmes sur le banc du gouvernement. Peu importe qu’elle la démente aujourd’hui, l’émotion médiatique qui penche encore en sa faveur constitue le paravent idéal.

Simone Veil vient tout juste de quitter la présidence de la Fondation pour la mémoire de la Shoa. L’épreuve endurée par sa famille et dont elle est rescapée et « sa » loi du 17 janvier 1975 ont ainsi été amalgamées par Nicolas Sarkozy dans son discours d’investiture du 14 janvier. L’apparition de Simone Veil dans sa vibrante litanie des saints de la République fut longuement applaudie par les militants de l’UMP. Ce jour-là l’icône est solidement encadrée : Jeanne d’Arc, Léon Blum, le général de Gaule, l’abbé Pierre et bien d’autres font partie de la photo de famille. Dans un accès de ce lyrisme qui lui est désormais coutumier, Simone Veil est présentée par Nicolas Sarkozy comme une incarnation de la France qui a « la voix, la figure, la dignité d’une femme, d’une mère » quand elle obtient, à la tribune de l’Assemblée nationale, la dépénalisation de l’avortement.

Aussitôt, le philosophe de gauche rallié André Glucksmann félicite le candidat UMP d’avoir pris « à contre-pied son camp », citant comme référence une femme « abolissant la souffrance des avortements clandestins » (« Pourquoi je choisis Nicolas Sarkozy », Le Monde 29 janvier 2007).

En tant que ministre de la Santé du gouvernement Chirac, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, Simone Veil est canonisée in vivo. Des écoles, un hôpital et la promotion de l’ENA sortie en 2006 portent déjà son nom. Faut-il un miracle pour faire un saint ? Voilà que la loi autorisant l’avortement en aurait fait baisser le nombre ! Pieusement récitée à chaque anniversaire de la «libération des femmes», la statistique absurde des 300 000 avortements clandestins d’avant la loi est le dogme qui éteint toute contestation. Même Jean-Marie Le Pen a renoncé à envisager son abrogation.

Mais le curriculum de Simone Veil ne s’arrête pas là. Elle a accumulé les fonctions les plus convoitées : ministre à plusieurs reprises, présidente du Parlement européen, puis membre du Conseil constitutionnel… Qui peut résister à celle qu’on décrit en privé comme une dame de fer ? Même l’irascible Pierre Mazeaud, alors président du Conseil constitutionnel, s’y est cassé les dents. Il n’a pu l’empêcher, au printemps 2005, de prendre part à la campagne précédant le référendum sur la constitution européenne. Face au destin de l’Europe, le devoir de neutralité était balayé. Malgré la victoire du « non », l’entorse à la démocratie a renforcé l’aura de l’Européenne convaincue.

Que pèsent aujourd’hui les chrétiens qui souffrent à nouveau de voir la figure emblématique de l’avortement légal portée au pinacle ? Sa nomination sonne comme une réponse. Dans son dernier livre, Philippe Val, de Charlie-Hebdo, va jusqu’à la confondre avec la grande chrétienne Simone Weil… Illustration involontaire du titre de son ouvrage : « Traité de savoir-survivre par temps obscurs ».

Tugdual DERVILLE