En juin prochain, le pasteur Claude Baty prendra la succession du pasteur Jean-Arnold de Clermont à la présidence de la Fédération protestante de France (FPF). Le futur président appartient à l’Union des églises évangéliques libres que l’on ne saurait assimiler à l’actuelle flambée des églises évangéliques issues des Etats-Unis puisqu’elle participa à la fondation de la FPF il y a un siècle. N’empêche ! Le fait qu’un évangélique succède à un réformé est significatif d’une mutation vertigineuse du protestantisme français. Celui-ci, depuis la Réforme, était dominé par le courant calviniste, et le courant luthérien très présent en Alsace en était la seconde composante. Depuis quelques années, la progression des évangéliques est telle que les deux anciennes Eglises se trouvent en situation d’être quelque peu submergées par les nouveaux venus dont le dynamisme apostolique constitue une des données premières du fait religieux en France.
Le supplément Ile-de-France du Nouvel Observateur vient de faire sa couverture sur un phénomène qui concerne d’abord la région parisienne, avec une prolifération de communautés nouvelles. Le sociologue Sébastien Fath, incontestable spécialiste du sujet, y formule le jugement qui nous va droit au cœur : “Une église évangélique de 50 fidèles équivaut en force de frappe et d’activisme à une église catholique de 8000 personnes.” Même s’il y a quelque chose de très journalistique dans une telle formule, elle oblige à réfléchir en prenant la mesure de l’expansion d’une mouvance qui regrouperait en France quelque 500 000 fidèles et dont les progrès incessants sont à mettre en rapport avec la stagnation et les reculs d’autres institutions religieuses, dont incontestablement l’église catholique.
Certes, c’est le monde protestant qui est pour le moment le plus affecté pour le changement radical de son équilibre interne, la remise en cause de sa spiritualité et de ses pratiques cultuelles, quand ce n’est pas sa relation à la société et à la politique. Mais plus généralement la progression évangélique se rattache à une évolution mondiale qui marque tous les continents, et dont la vitalité n’a rien à envier à l’Islam contemporain. Il y a là de quoi déstabiliser beaucoup d’idées reçues, notamment quant au progrès irréversible de la sécularisation et quant aux effets dévastateurs d’une modernité abolissant les appartenances confessionnelles. Certes, il y a beaucoup d’ambiguïtés dans une effervescence qui joue sur tous les ressorts de la psychologie et qui développe manipulations et pulsions sectaires. Il nous faut, néanmoins, vivre avec le phénomène et en tirer toutes les conclusions nécessaires, notamment quant à notre propre dynamisme missionnaire.
Gérard LECLERC