3050-Face au sida - France Catholique
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La justice de Dieu
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3050-Face au sida

La "Journée mondiale de lutte contre le Sida" (1er décembre) revêt l’ampleur planétaire de la pandémie. La maladie qui aurait déjà tué plus de 25 millions de personnes reste un point de fracture entre l’Eglise et la société civile.
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Du côté laïc, l’option reste à la surenchère du latex. Le ministre de la Santé Xavier Bertrand annonçait, il y quelques jours, la distribution dans vingt mille points de vente (kiosques, pharmacies, buralistes et lycées) de plus de dix millions de « préservatifs à 20 centimes d’euros ». Déjà cinq millions sont par ailleurs diffusés gratuitement chaque année en France, dont cinq cent mille par la seule ville de Paris. Dans son discours du 27 novembre Xavier Bertrand affirme : « le seul amour sans risque, c’est l’amour avec un préservatif ». Rendant hommage, aux fabricants de préservatifs à bas prix, aux distributeurs participant à la campagne comme Monoprix, ainsi qu’aux habituelles associations partenaires, il va jusqu’à annoncer son intention de « réunir les producteurs de films pornographiques, hétérosexuels comme homosexuels, afin de promouvoir l’usage du préservatif et l’inscription de messages de prévention dans leurs films ». L’Etat ne s’est jamais autant mêlé de la vie intime des citoyens.

Pour Xavier Bertrand : « le seul message qui fera reculer l’épidémie » est celui que l’Institut National de prévention et d’Education Sanitaire lance aujourd’hui : « restez fidèle au préservatif ». Un discours en forme d’injonction morale qui fait l’effet d’un pied de nez à celui de l’Eglise. La fidélité qu’elle prône est conjugale, à ses yeux le moyen le plus fiable de se prémunir des maladies sexuellement transmissibles. Depuis longtemps, elle met en cause l’efficacité pratique du préservatif. En 2000, Monseigneur Sgreccia, président de l’Académie pontificale pour la vie, considérait comme une « tromperie » le fait d’affirmer son efficacité totale.

Qui a raison, de l’Etat, qui prend comme un acquis irrépressible la relation sexuelle, parfois pulsionnelle, avec des partenaires successifs, ou de l’Eglise, qui croit qu’il est possible de réguler cette impulsivité ? En France on reconnaît désormais que le « tout-préservatif » a causé, notamment chez les plus jeunes, d’assez nombreuses grossesses dues aux « accidents » – ces ruptures bien moins rares qu’on ne le pensait. Ailleurs, là où des campagnes publiques ont osé prôner la fidélité, comme en Ouganda, la régression de la pandémie a surpris les observateurs occidentaux. Pour autant, un débat semble ouvert au sein de l’Eglise pour préciser sa position et aider les personnes à hiérarchiser leurs comportements. Entre mettre gravement en danger la vie d’autrui et utiliser un mode de prévention de la transmission imparfait – et qu’elle considère comme éthiquement illicite – certains prélats ont rappelé une hiérarchie morale : le primat de l’interdit du meurtre sur celui de l’adultère.

Du fait de l’origine et du mode de transmission du Sida, l’Eglise est suspectée depuis son apparition de vouloir en tirer profit pour faire valoir ses préconisations en matière de sexualité. L’Occident risque d’en oublier le rôle déterminant de ses institutions dans de nombreux pays : on estime que 28% des dispositifs d’aide et de soins aux personnes touchées par le VIH le sont au travers de structures chrétiennes, alors que le budget de ces structures est sans rapport avec celui des institutions sanitaires laïques. C’est dire si l’Eglise agit face au Sida conformément à sa tradition millénaire. Sans compter qu’elle intervient majoritairement dans les pays pauvres où la pandémie fait rage.

Heureusement, la mortalité du Sida en France est désormais faible. Sans commune mesure, avec 500 décès par an, avec celle d’affections moins médiatisés (150 000 de cancers et 12 000 de suicide). Act’Up n’en manifeste pas moins, chaque année, à la veille de la Journée Mondiale, cette fois pour mettre en demeure les candidats d’entrer dans la guerre contre la pandémie. Le problème de santé publique reste sérieux dans l’hexagone (évolution vers la contamination d’une proportion moins minoritaire de femmes et plus grande de personnes homosexuelles…). Mais l’urgence est aux pays pauvres dont les malades méritent d’accéder aux trithérapies salvatrices. C’est en ce sens que s’est exprimé Benoît XVI le 26 novembre. Il demande d’ »éviter les discriminations » envers les malades et exhorte à davantage de « responsabilité » dans le traitement de cette maladie. Mais le Premier ministre britannique Tony Blair vient à son tour de tancer l’Eglise à propos du préservatif tandis que le Vatican prépare un document très attendu sur ce sujet.

Tugdual DERVILLE