Le retour de Benoît XVI au pays natal est forcément émouvant, comme l’étaient les retrouvailles de Jean-Paul II avec Wadowice et Cracovie. Il n’y a pas si longtemps, le pape bavarois citait Goethe dans la ville natale de son prédécesseur, rappelant que “pour
comprendre les poètes il faut se rendre sur leurs lieux d’enfance”. On a beau considérer Joseph Ratzinger comme un intellectuel de grande classe, un esprit universel habile à entrer dans les dialectiques les plus déliées, il faut se rendre compte à quel point un tel homme a été aussi marqué par tout un climat familial, profondément chrétien, un enracinement catholique, qui a formé sa sensibilité “in hymnis et canticis”. Comment ne pas rappeler ses parents qui lui ont transmis la foi et l’éducation primordiale de l’enfance ? Son père, si inflexible et que la montée du nazisme inquiétait si fort, qui le prémunit à jamais contre le poison du paganisme. Une chance que n’eut pas en partage à l’époque, l’exact contemporain de Joseph Ratzinger, qui s’appelait Günther Grass !
Mais la Bavière d’aujourd’hui n’est plus celle de l’entre-deux guerres. Elle a connu l’évolution d’une Allemagne d’abord lancée dans l’aventure de la reconstruction, vivant un vrai miracle économique et entrant dans le concert d’une Europe réconciliée. Depuis la réunification, qui a effacé les dernières séquelles de la guerre froide, mais aussi des déchirures du XXe siècle, le premier des länders catholique allemand n’a pas échappé aux contradictions de la prospérité et de l’émancipation post-moderne. Sa richesse lui confère des obligations particulières, eu égard à son statut concordataire qui confère à l’Eglise un rôle considérable dans la distribution de l’aide humanitaire. Benoît XVI a rappelé à ses compatriotes, mais aussi à l’ensemble des catholiques allemands qu’il ne convenait pas seulement de venir au secours des corps, mais de s’engager résolument dans l’évangélisation des peuples. Ce sont les évêques africains qui, souvent, adressent au Pape leurs plaintes. Autant il est aisé d’obtenir gain de cause pour un projet de développement économique et de solidarité, autant il est souvent vain de demander un engagement à des fins pastorales et missionnaires.
N’est-ce pas que la Bavière, elle aussi, doit se convertir à la perspective de la nouvelle évangélisation, avec son exigence de renouvellement des consciences et d’approfondissement de la vie chrétienne. Le Pape n’a pas hésité, à Munich, à évoquer le drame du Sida, pour restituer la véritable prise en charge évangélique des malades. Cette maladie, a insisté Benoît XVI, “ne peut être combattue qu’en affrontant réellement les causes profondes, en soignant les malades avec l’attention et l’amour qui leur sont dûs”. A l’encontre d’une logique séculière qui entend mettre entre parenthèses et parfois détruire le sens de la présence de Dieu au monde, poursuit-il, il faut rappeler une juste crainte de Dieu, dont les autres civilisations reprochent aux Occidentaux d’avoir perdu le sens. Cet enseignement vaut, d’évidence, pour toutes les anciennes nations chrétiennes d’Europe, invitées à se souvenir que c’est dans leur baptême initial qu’elles ont reçu les dons d’une humanisation exceptionnelle, celle qui est tirée vers le haut par un Dieu qui crée et qui sauve.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Joseph Ratzinger au cœur de l'histoire du christianisme contemporain
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- La France et le cœur de Jésus et Marie