A l’Université d’été du Parti Socialiste (cf France Catholique n°3036), il y eut deux Jospin. Le premier n’a pas surpris. Austère, il fait, du haut de sa statue du commandeur, planer le doute sur la légitimité de Ségolène Royal quand il rappelle que la forme ne doit pas l’emporter sur le fond : « Il faut avoir des idées, des convictions, exposer les enjeux, dire quelles sont nos décisions demain et quels seront nos actes ». Et l’ancien Premier ministre de souligner que « le tuyau ne remplace pas le contenu ». Sans toutefois dévoiler une once de son futur programme.
C’est à l’heure des questions posées par les jeunes socialistes qu’un second Jospin fait irruption, et surprend son monde en matière de convictions. A l’image de la présidente de la région Poitou-Charentes, exprimant son revirement dans le magazine gay Têtu au premier jour de l’été, le candidat potentiel adopte à la fin de la même saison un nouveau discours sur le mariage homosexuel : « Le parti auquel j’appartiens a décidé d’en débattre, en a discuté, a pris une position et est favorable au mariage entre hommes ou femmes de même sexe et à l’adoption par des homosexuels. Cette position est la mienne. » Coup de théâtre : celui qu’on tenait pour le dernier dinosaure du PS à oser résister au lobby gay a craqué. Cette « conversion », selon l’expression des militants gays présents, est d’ailleurs à prendre comme un signe de son désir de prendre sa revanche aux prochaines présidentielles, puisqu’il fait visiblement passer ses chances de l’emporter avant l’une de ses convictions détonante. Et le même Têtu d’ironiser aussitôt sur le « timide oui » du leader socialiste en citant la réflexion d’un militant PS : « De toute façon, s’il veut repartir en campagne, il n’a pas le choix ».
L’Elysée vaut bien une célébration gay, doit penser le revenant qui va jusqu’à prétendre que le sujet « n’a jamais été pour [lui] un problème personnel » et qu’il « ne [lui] a jamais posé de problème particulier ». Mais alors quel sens donner à sa résistance publique au mariage et à l’adoption homosexuels qui avait fait grand bruit en mai 2004 en pleine préparation du « mariage » de Bègles ? Sortant exceptionnellement de sa réserve, Lionel Jospin avait publié dans les colonnes du Journal du Dimanche un texte particulièrement dense qui fait encore référence. « On peut (…) réprouver et combattre l’homophobie, tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel, comme c’est mon cas. (…) Dans la discussion qui s’amorce, j’entends parler de désir, de refus des discriminations, de droit à l’enfant – alors qu’on devrait mettre en avant le droit de l’enfant – et d’égalité des droits, comme si le principe de l’égalité des droits devait effacer toute différence. (…) Le mariage est, dans son principe et comme institution, « l’union d’un homme et d’une femme ». Cette définition n’est pas due au hasard. Elle renvoie (…) à la dualité des sexes qui caractérise notre existence et qui est la condition de la procréation et donc de la continuation de l’humanité. C’est pourquoi la filiation d’un enfant s’est toujours établie par rapport aux deux sexes. Le genre humain n’est pas divisé entre hétérosexuels et homosexuels – il s’agit là d’une préférence –, mais entre hommes et femmes. Quant à l’enfant, il n’est pas un bien que peut se procurer un couple hétérosexuel ou homosexuel, il est une personne née de l’union – quelle qu’en soit la modalité – d’un homme et d’une femme. Et c’est à cela que renvoient le mariage et aussi l’adoption. (…) On peut respecter la préférence amoureuse de chacun, sans automatiquement institutionnaliser les mœurs. »
L’argumentation est implacable. Pourtant, en avalisant aujourd’hui ce qu’il avait si brillamment contesté hier, le Jospin 2007 se réinscrit dans la logique de son action politique – celle du Pacs – après dix ans de déni.
Tugdual DERVILLE