En Italie, l’Eglise conserve sur les électeurs une influence qu’elle assume tout en revendiquant sa neutralité. Il faut dire que le taux moyen de pratique religieuse dans la péninsule italienne n’est pratiquement atteint en France… qu’à Versailles !
C’est ainsi aux évêques italiens qu’on doit l’échec du référendum sur l’assistance médicale à la procréation de juin 2005. En appelant ses fidèles à l’abstention, l’Eglise a contribué à son invalidation. Il aurait fallu deux fois plus de votants pour atteindre le quorum de 50 % permettant l’aggravation des lois bioéthiques.
Contraste : pendant qu’en France l’éradication des signes religieux bat son plein, un
juge italien a été pénalement condamné en novembre 2005, puis suspendu de toutes ses fonctions par le Conseil Supérieur de la Magistrature en janvier 2006, à cause de son refus de siéger en présence d’une croix dans sa salle d’audience. Alors que la peur de l’islamisme conduit la France de Jacques Chirac à cautionner l’effacement des repères chrétiens, Silvio Berlusconi refuse l’Italie multiculturelle et les ambitions communautaristes du million de musulmans qui habitent la péninsule. La capacité de chrétiens occupant de postes de responsabilité à y promouvoir des réformes favorables à la vie peut faire rêver les catholiques français habitués à faire partie d’une minorité isolée. Cette latitude est nourrie en Italie par un puissant réseau associatif chrétien qui compte dans la lutte contre toutes les exclusions qu’elles soient liées à l’immigration, à la pauvreté ou aux atteintes à la vie. Cette exception italienne explique la controverse européenne à propos des libres déclarations de Rocco Butiglione sur l’homosexualité qui lui ont valu d’être privé du poste de commissaire européen en 2004. Non seulement un politique transalpin a le droit d’exprimer ses convictions religieuses, mais encore il peut leur donner une portée politique sans déclencher de chasse-aux-sorcières. En France, l’opposition des élus chrétiens aux revendications gays tend au contraire à être étouffée par la menace de procès en homophobie.
Autre sujet tabou dans l’Hexagone, l’avortement continue d’être débattu en Italie depuis sa légalisation partielle en 1978. La pilule abortive RU 486 du Français Beaulieu y demeure illégale, et le ministre de la Santé, Francesco Storace, bataille contre ceux qui tentent d’en imposer l’expérimentation. En Italie, 60 % des gynécologues feraient jouer leur clause de conscience contre l’avortement, dénoncent ses promoteurs qui notent par ailleurs qu’il a considérablement baissé : on n’en comptabiliserait que 136.700 en 2004, soit une diminution de plus de 40 % en 22 ans. Quant au dispositif de prévention de l’avortement que certaines lois jamais appliquées prévoyaient en France, il mobilise encore les leaders chrétiens d’Italie. Situation impensable ici, où le Planning familial monopolise le débat, les Italiennes risquant d’avorter pourraient se voir proposer des modalités alternatives à ce geste par les représentants du Movemento per la vita de l’ancien parlementaire européen Carlo Casini. Cette fédération a pignon sur rue dans chaque ville. Une semaine avant sa mort, Jean-Paul II lui avait légué une somme destinée à parrainer des enfants sauvés de l’avortement. Le pape Benoit XVI, vient à son tour de réaffirmer devant les parlementaires du Parti populaire européen que « la protection de la vie depuis la conception jusqu’à la mort » n’est pas « négociable », pas plus que « la défense de la famille en tant qu’union fondée sur le mariage entre un homme et une femme ». Une déclaration qui conforte la droite et embarrasse la gauche sans qu’elle soit en mesure de rétorquer unanimement.
Toutefois, l’Italie n’a pas de quoi pavoiser : sans subir le naufrage de l’héritage chrétien qui marque l’Espagne, elle connaît l’un des taux de fécondité les plus bas d’Europe. Sa démographie est suicidaire. Un point sur lequel la France lui donnerait presque des leçons d’espérance.
Trugdual DERVILLE