Rien ne devrait moins nous étonner que le sujet de cette première encyclique de Benoît XVI. La révélation du Dieu-Amour n’est-elle pas le cœur de notre foi ? Il est vrai que, souvent, on est tenté de l’oublier sous la pression d’une opinion médiatisée, qui rattache le phénomène religieux à une sorte de moralisme intempestif, quand ce n’est pas à la violence du choc des cultures. C’est bien pourquoi il nous faut la force prophétique d’attestation qui nous rappelle avec Urs von Balthasard que “seul l’Amour est digne de foi” et que “Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique” (évangile de Jean 3,16). En nous replaçant ainsi face à l’évidence du message et de la mission du Christ qui nous ouvre au mystère insondable de la Trinité, le Pape nous ramène à l’essentiel que nous ne devrions cesser de contempler et d’annoncer. Faut-il rappeler que tel était déjà le souci de son prédécesseur Jean-Paul II qui, lui aussi, dans sa première encyclique, nous donnait à méditer la même et unique vérité : “L’homme ne peut vivre sans amour, il demeure pour lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de sens, s’il ne reçoit pas la révélation de l’amour, s’il ne ren-contre pas l’amour, s’il n’en fait pas l’expérience et s’il ne le fait pas sien, s’il n’y participe pas fortement. C’est pourquoi, le Christ rédempteur révèle pleinement l’homme à lui-même” (Redemptor hominis).
Bien sûr, le nouveau pape développe son enseignement avec ses charismes propres, sa culture philosophique, sa science patristique, mais aussi son appréhension directe des requêtes et des incertitudes de notre époque. N’y a-t-il pas à l’égard du christianisme précisément, une énorme méprise qui s’énonce sur tous les registres et concerne la prétendue incompatibilité de sa doctrine avec l’amour humain, le sens du corps et la valeur de l’échange érotique ? Benoît XVI montre à travers le parcours de la Bible qu’il n’y a aucune malédiction jetée, dans la Révélation, sur l’amour de l’homme et de la femme, bien au contraire. Celui-ci est consacré dès l’Ancien Testament, en tant qu’éros , mais il est aussi promu et ennobli d’une façon inouïe, ainsi que l’atteste le cantique des cantiques, où l’amour le plus humain nous permet de percevoir ce qu’est l’amour divin : “De la sorte, éros est ennobli au plus haut point, mais en même temps il est aussi purifié jusqu’à se fondre avec l’agapè.”
La seconde partie de l’encyclique développe le sens de l’activité caritative qui est une des dimensions permanentes de la mission confiée à l’Eglise. Ainsi Benoît XVI reprend-il un projet de Jean-Paul II qui désirait apporter un enseignement clair sur cette question. Il y a une dimension caritative inaliénable que n’abolira jamais l’impératif de la justice. Le seul regard de la bienheureuse Teresa de Calcutta ne métamorphose-t-il pas l’aide apportée au prochain par le témoignage du Dieu qui aime chacun pour lui-même. Ainsi sommes-nous renvoyés à ce mystère qui préexiste à toutes nos origines, qui nous soutient dans l’existence et nous fait entrevoir l’ineffable au bout de la route : Dieu est amour.
Gérard LECLERC