2969-René Girard à l'académie - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2969-René Girard à l’académie

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Il nous importe de saluer la très belle élection académique de René Girard. Qu’elle ait eu lieu à la veille de la Semaine Sainte est pour nous plus qu’un signe, une sorte d’attestation. Le centre même de la recherche de l’auteur de La violence et le sacré est inscrit dans sa réflexion profonde sur la tragédie du vendredi saint. Deux jours avant cette élection, René Girard méditait sur les stations du chemin de croix, dans une basilique Sainte-Clotilde, à Paris, comble, où son auditoire, ému, pouvait recevoir la leçon de toute une vie sur le Mal, la violence et la puissance rédemptrice qui nous en délivre.

René Girard s’est affirmé très tôt comme un chercheur puissamment original, n’hésitant pas à bousculer toutes les certitudes a-priori des sciences humaines, pour faire prévaloir un axe d’interprétation des phénomènes culturels. Cette recherche commencée dans le domaine de la critique littéraire s’est ensuite poursuivie sur le terrain ethnologique. Elle se réclame d’une obsession permanente, inhérente à la condition humaine : celle d’une violence indissolublement liée à la nature du désir.

Le phénomène religieux lui-même correspond à la nécessité, pour les groupes sociaux, de se protéger de la violence pertubatrice du désir à travers des rites qui la canalisent tout en ménageant des espaces de transgression des interdits. Le sacrifice se définit comme la transgression type qui autorise le meurtre d’une victime innocente dans le but de restaurer la paix rendue impossible par les rivalités du groupe.
Cette notion de sacrifice fondée sur la violence et le mépris de l’innocence ne pouvait qu’interroger la théologie chrétienne de la Rédemption. René Girard, lui même, aura besoin d’un certain temps pour apprécier les conséquences de son travail sur la foi chrétienne qui est sienne, parce qu’il s’est reconverti à cette foi de son enfance, à la suite d’une épreuve personnelle mais aussi en cohérence avec sa réflexion de fond. Même s’il a pu se produire au sein de la pensée chrétienne quelques dérapages associant la rédemption à une sorte de vengeance divine, la doctrine de la rédemption n’a nullement à être reprise ou modifiée. Même le mot de sacrifice doit être maintenu à propos de la démarche du Christ pour le salut des hommes : « Le réemploi humain du bouc-émissaire scelle une unité religieuse de l’humanité qu’il faut peut-être penser comme un lent et terrible voyage hors du premier sacrifice vers le second, inaccessible en dehors du Christ ».

Dans la controverse née, l’année dernière, du film de Mel Gibson, René Girard est venu apporter une lumière précieuse. Oui, le Christ est la victime émissaire au sein d’un emballement de violence. En cela, sa mort ressemble aux descriptions des mythes antiques. Mais son attitude souveraine lui permet de dépasser les données mythiques habituelles. Celles-ci sont « comprises, démystifiées, neutralisées ». Le Christ montre sa divinité et son appartenance au Dieu trinitaire par le renversement qu’il produit. Conversion des cœurs, victoire sur la violence et le mal. La victoire de Pâques est celle du sacrifice converti en amour rédempteur pur.

Gérard LECLERC