L’hospitalisation de Jean-Paul II à l’hôpital Gemelli a provoqué une émotion populaire intense, relayée par une mobilisation médiatique de grande ampleur. L’attachement des catholiques à l’homme qui préside à leur destin spirituel depuis plus d’un quart de siècle n’étonnera personne. Mais il apparaît que la figure paternelle du pape de Rome touche également non seulement les autres communautés chrétiennes, mais aussi des fidèles d’autres religions et nombre de gens de bonne volonté. Le grand rabbin de Rome a fait prier pour Jean-Paul II dans les synagogues, des musulmans, dans leurs mosquées, ont intercédé pour sa guérison. A l’heure de la mondialisation, il n’y a guère de personnes qui, à l’égal du Pape, personnifient une sorte de
conscience planétaire et de paternité morale. Même si le phénomène est complexe, il renvoie à une fonction incontestable de la papauté en notre temps, servie d’une façon inusitée et prophétique par le pape polonais.
Les services du Vatican sont contraints de gérer, dans la difficulté, la communication médiatique. Ils sont souvent l’objet de soupçons, accusés même de rétention d’information, quand on ne leur reproche pas de la falsifier ou de la truquer. C’est un peu la loi du genre. Il ne faut rien connaître aux fièvres journalistiques et à la surenchère provoquée par la course aux nouvelles inédites pour s’en étonner. Moins que jamais il ne convient de se laisser impressionner par un climat de surchauffe parfois malsaine. Certes, le Pape n’est pas un malade comme les autres et la santé des hommes publics est aujourd’hui l’objet d’une attention minutieuse, souvent exagérée. Il y a des limites à la curiosité et il est juste que les plus illustres bénéficient d’une intimité sauvegardée. On ne reprochera donc pas au Vatican de diffuser les bulletins médicaux avec une certaine modération. Les journalistes doivent comprendre, de leur côté, que prendre soin d’un homme affaibli comme Jean-Paul II requiert une mise à distance et jusqu’à une mise en scène qui n’accorde que le nécessaire à la voracité des preneurs d’images.
Il n’en reste pas moins que le Pape, revenu au Vatican, après une telle alerte, ne sera plus capable de retrouver son énergie d’antan. Sans doute garde-t-il intactes ses facultés intellectuelles, comme en a témoigné le cardinal Lustiger. Il y a d’ailleurs quelque chose de saisissant dans la force d’âme de ces êtres d’exception, handicapés de maux multiples, anéantis dans leur vitalité physique, et possédant malgré tout cette flamme du regard dont parlait le vieil Hugo. Nous sommes quelques-uns à avoir connu, dans des dispositions analogues, le cardinal de Lubac en ses dernières années. Avec un Pape que prie et qui veille, semblable au vieillard Syméon, l’Eglise continue sa mission. Et les jeunes qui préparent activement les JMJ de Cologne pour l’été prochain ne sont pas les derniers à proclamer qu’ils aiment et vénèrent cette figure privilégiée de la paternité spirituelle.
Gérard LECLERC
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