Face à l’immense détresse des peuples du Sud asiatique, éprouvés par un fléau aux dimensions démesurées, toute parole, même de réconfort, semble tragiquement inappropriée. Spontanément, le cardinal Barbarin faisait référence au passage du prophète Jérémie cité par Matthieu à l’occasion du jour du Massacre des Innocents : “Dans Rama s’est fait entendre une voix qui sanglote et moult se lamente : c’est Rachel qui pleurent ses enfants et ne veut pas qu’on la console, car ils ne sont plus ( Mt2,18 ). En pareil cas, c’est souvent la compassion silencieuse dans la proximité du cœur qui doit prévaloir sur des discours insupportables. Et bien sûr, la solidarité active se doit de mobiliser toutes les énergies disponibles pour venir au secours des victimes.
Et puisqu’il faut tout de même parler au-delà du gouffre de la souffrance entre homme désireux de répondre aux requêtes de la raison et de la foi, là où il nous est donné de réfléchir sur notre condition d’humbles créatures au sein du cosmos, tentons rapidement une percée dans l’espérance au seuil de cette année 2005. Contre tout désespoir ou à-quoi-bon, il nous faut assumer notre destin en mettant toutes les ressources de l’intelligence, de la volonté et du savoir faire au service du mieux-être de notre commune humanité. Michel Serres, dans un entretien au Figaro (30 décembre) rappelle les propos infiniment pessimistes de Voltaire au lendemain du terrible tremblement de terre de Lisbonne. Voltaire qui se gaussait de l’optimisme d’un Leibniz, théoricien du “meilleur des mondes”. Au pessimisme voltairien, Michel Serres oppose l’élan de générosité qui, fédère aujourd’hui les peuples du monde entier. Et certes, il est cent fois fondé à se féliciter d’un tel sursaut qui permet de discerner une possibilité de paix au-delà de tous les inexpiables conflits qui demeurent. Mais, nous sommes quand même loin du compte…
Par ailleurs, il est permis de remettre en cause, en cette occasion, un certain écologisme irresponsable qui voudrait que les hommes s’inclinent face à une nature déifiée que notre action ne ferait que dégrader et souiller. Certes, il nous faut gérer avec sagesse cet environnement au sein duquel nous construisons notre demeure. Mais il nous appartient – autant qu’il est possible – d’en dominer les fléaux lorsqu’ils menacent la sécurité et la vie des hommes. La Bible nous enjoint de gérer la Terre, en confiant à l’humanité une véritable royauté cosmique. Nous avons donc à relever la tête, à panser les flancs de nos frères, à reconstruire ce qui a été détruit pour ménager un avenir à nos descendants. Le Dieu de la Révélation biblique est celui qui a épousé l’humanité au point de passer par la souffrance et par la mort. Il nous tend la main pour reprendre courage et sourire à l’enfant qui naît en ce moment sur les côtes du Sri-Lanka.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Discours final du Pape – Sommet sur la protection des mineurs
- Jean-Paul Hyvernat