On peut partager ou non les idées politiques de Nicolas Sarkozy. Il est difficile de lui contester une franchise et une liberté de parole peu courante dans notre société de prétendue communication. Ne vient-il pas de briser un tabou tenace, avec son dernier livre (La République, les religions, l’espérance, Le Cerf) en affirmant le bienfait social unique des religions dans la cité ? L’éducation religieuse, déclare-t-il “oblige à sortir de soi et ouvre le cœur à des dimensions qui le dépasse : l’altérité, la vie comme projet spécifique voulu par Dieu et la place de l’homme au sein de celui-ci, le monde comme destin collectif auquel chacun prend sa part. L’éducation religieuse, le catéchisme, l’école du dimanche ne sont pas des activités comme le piano, le judo, la danse et le dessin.”
Qu’on me pardonne, mais cela fait du bien à lire et à entendre ! Enfin quelqu’un ose briser la loi du silence. Celle qu’impose le carcan laïciste et rationaliste en France. Et si certains trouvent cela insupportable, c’est qu’ils y voient, sans toujours oser l’avouer, un déni de légitimité à l’égard d’un modèle idéologique fondé sur le refoulement de toute culture religieuse et de toute présence publique de la foi.
Ne continue-t-on pas à affirmer en principe le repli du religieux dans la sphère privée ? Emile Poulat a montré sur quel contresens reposait cette méprise à propos de la loi de 1905. Si en effet, depuis la séparation des Eglises et de l’Etat, le religieux n’est plus un service public financé et pour partie régenté par l’Etat, cela ne veut pas dire que la foi n’est plus présente sur le forum. Vouloir l’en refouler participe d’une mentalité totalitaire où la saine laïcité de l’Etat se transforme en laïcisme idéologique. C’est d’ailleurs, à cause de cette ambiguïté fondamentale que les Anglo-Saxons et nombre d’Européens ont du mal à comprendre cette particularité française.
Sans doute, peut-on brandir comme repoussoir à cette reconnaissance publique du religieux, l’actuel modèle américain, celui qui a fait la fortune du président George W. Bush, et qui s’affirme, à travers le fondamentalisme théologique, le messianisme politico-religieux et le communautarisme ethnico-confessionnel. Il y a là une réelle difficulté que le débat sur la place de l’Islam en France oblige à considérer d’un regard neuf. On a reproché, en effet, à Nicolas Sarkozy, de prôner ce modèle américain à force de vouloir fragiliser notre propre modèle républicain, laïque, intégrationniste. Faut-il faire remarquer que le catholicisme français, inhérent à notre propre tradition nationale, n’est pas exactement sur la même longueur d’onde que l’évangélisme américain et que l’équilibre à trouver entre l’exercice de la liberté religieuse, la neutralité de l’Etat et l’organisation du pluralisme confessionnel peut s’inspirer
d’autres schémas et d’autres synthèses que ceux et celles qu’on voudrait nous imposer au nom d’une idée très manichéenne du monde et de la société ?
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- SI LE LOUP PROTÈGE L’AGNEAU, ET AU-DELÀ