Il faut reconnaître comme un signe la réception par le Pape d’un prix du courage politique, qui lui a été remis samedi dernier, à l’initiative de la revue Politique internationale et de nos amis de la chaîne de télévision KTO. Ce n’est pas seulement un “honneur” dévolu à quelques personnalités internationales de grand mérite que Jean-Paul II a reçu. C’est un message qu’il a voulu lancer pour montrer au monde d’aujourd’hui que les responsabilités publiques ne vont pas sans don de soi et sans remise en cause de l’ordre apparent des choses, du conformisme ambiant et de toutes les chapes de plomb qui s’opposent à la révélation de la vérité et de la justice.
Pour comprendre cela, il faudrait peut-être revenir à une conférence d’Alexandre Soljénitsyne prononcée en 1978 à l’université d’Harvard. L’auteur de l’Archipel du Goulag y dénonçait, en effet, ce qu’il appelait “le déclin du courage”, en désignant le monde occidental dans son ensemble et chacun des pays qui le composent. C’est avec des mots cinglants qu’il dénonçait la faiblesse et l’irrésolution des responsables. Sans doute, avait-il alors en point de mire la question du totalitarisme communiste et la complaisance dont il disposait du côté d’une large part de l’intelligentsia et des milieux politiques. Rétrospectivement, ce discours a valeur prémonitoire, puisqu’il fut prononcé quelques mois avant l’avènement du pape polonais que Soljénitsyne saluera comme un don du Ciel. N’est-ce pas alors que le courage renaît, avec un homme qui saura prononcer les paroles décisives qui ébranleront l’empire totalitaire ?
Mais Soljénitsyne désignait le déclin du courage au cœur de la société occidentale : “Au contraire de la liberté de bien faire, la liberté destructrice, la liberté irresponsable a vu s’ouvrir devant elle le champ le plus vaste. La société s’est révélée mal défendue contre les abîmes de la déchéance humaine, par exemple contre l’utilisation de la liberté pour exercer une violence morale sur la jeunesse…”
C’est l’autre dimension du courage politique du Pape, que le grand écrivain prophétisait, sans pouvoir imaginer l’événement qui ébranlerait le monde. Depuis un quart de siècle, Jean-Paul II poursuit sa tâche. Il n’est pas de semaine où sa parole ne vienne au secours des déshérités de la planète, plaidant pour la paix. En même temps, il est un des rare à rappeler les exigences de la conscience et les préalables moraux à tout ordre juridique concernant les personnes et la société. Nul prix n’était donc plus justifié que celui-là, car chaque jour, à temps et à contre-temps, Jean-Paul II est le prophète du courage, grâce à la liberté intérieure qu’il défend comme don premier de la Providence.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
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