C’est notre confrère “Marianne” qui l’affirmait à la première page de son précédent numéro (4 septembre) : “L’école est malade de la religion”. Cet estimable hebdomadaire qui se veut – et comment l’en blâmer ? – à contre-courant des idées toutes faites, n’hésite pas pourtant, à donner quelques coups de pouce à la réalité. A lire le dossier qui illustre ce titre tapageur, il apparaît que c’est l’islam qui pose quelques problèmes à notre éducation nationale et que le recours au terme générique de religion ne se justifie que pour se prémunir du grief d’islamophobie. Sans doute, notre confrère entend-il défendre en priorité les principes de la laïcité républicaine à l’encontre de toute dérive dogmatique. C’est tout de même au prix d’une supercherie guère honorable. Par ailleurs, on est tout de même un peu surpris par quelques affirmations que nous qualifierons, non sans un sourire, de dogmatiques, en raison de leur très étrange surréalisme.
On lit ainsi, sous la plume de Natacha Polony que l’école publique devrait toujours se prévaloir de “ce statut d’asile inviolable où les querelles des hommes n’existent pas”. On se frotte les yeux pour vérifier que l’on a bien compris. Mais oui ! C’est bien cela. L’école publique se définit comme le lieu des vérités incontestables et d’un savoir pur à distinguer de toutes les croyances. La référence aux travaux d’Henri Pena-Ruiz suffit à caractériser un choix idéologique, celui qui prétend demeurer dans la lignée des Lumières, et notamment du programme que Condorcet traçait peu de temps avant d’être étranglé par le régime qu’il avait tant appelé de ses vœux. Faut-il expliquer que le credo progressiste dudit Condorcet, tout de même, s’est trouvé mis à mal par toute l’histoire des deux siècles qui ont suivi et que la prétendue régulation de la pensée par une orthodoxie de type rationaliste appartient à un utopisme depuis longtemps révolu ? Quant à la prétention d’échapper aux querelles des hommes, elle est plus qu’étrange, carrément loufoque.
Imaginerait-on une école où on ignorerait les grands défis du monde présent, à commencer par celui de la menace terroriste et la déstabilisation internationale qui a suivi le 11 septembre 2001 ? Nous avons, pour notre part, la faiblesse de croire que la mission de l’enseignement consiste précisément à permettre aux élèves de se hisser à la hauteur des grandes querelles des hommes, pour y exercer leur jugement et leur permettre d’aguerrir leur intelligence et leur volonté dans les embûches de l’existence. Sans-doute, cela n’est pas facile et il faut aux enseignants un surcroît de savoir et d’autorité (au vrai sens de ce terme) pour entraîner les élèves à une juste liberté de pensée. Ce n’est sûrement pas grâce au retour à un laïcisme suranné et à un rationalisme desséché que l’enseignement national répondra à ces formidables défis.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- INTRUSION DE LA THEORIE DU GENRE A L’ECOLE ET DANS LA SOCIETE
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- EN LISANT MONSIEUR MEXANDEAU : VIVE L’ÉCOLE PLUS LIBRE
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
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