Cette “rentrée” ne nous aura décidément pas épargné le rappel à l’ordre d’une actualité impitoyable. Notre appartenance à une Europe pacifiée ne nous exonère pas des remous d’un monde dangereux. La double prise d’otage de nos collègues Georges Malbrunot et Christian Chesnot en Irak, qui nous plonge dans l’angoisse, nous presse aussi de réfléchir à l’avenir de nos relations intérieures et extérieures avec un phénomène islamiste qui n’a cessé de nous déstabiliser depuis trois ans. Le désaccord sérieux que nous avons eu avec nos alliés américains sur le traitement de l’affaire irakienne ne nous a pas mis hors jeu par rapport à un défi qui ne concerne pas seulement les relations internationales. Ce n’est nullement par hasard que les preneurs d’otages ont exigé l’abolition de notre loi concernant la laïcité et plus particulièrement le voile islamique. En effet, c’est une question de civilisation – de celles qui mettent en cause un mode de vie inspiré par des valeurs fondamentales – qui commande, pour une large part, l’actuel choc des cultures.
Il faut se rendre compte que la civilisation occidentale, qui se prétend dépositaire de l’héritage des Lumières et des chances de l’émancipation moderne, est l’objet de contestations qui ne pourront que grandir au fur et à mesure des évolutions de ses propres structures sociales et morales. Nous-mêmes, en tant que chrétiens, sommes forcément en proie à des déchirements profonds. Solidaires de tout ce qui relève de la révolution évangélique, nous sommes en contradiction avec tout ce qui se rapporte à une rupture de l’ordre profond de notre humanité. Or il est à craindre que l’évolution actuelle de l’Occident ne favorise à l’avenir tous les ferments qui disposent à des désaccords meurtriers. Sans aucun doute, l’islamisme représente une régression redoutable et il signifie, pour les nations qu’il menace, une perte de liberté et des pratiques inadmissibles. Il n’en est pas moins vrai qu’il est alimenté dans sa révolte par des régressions d’un autre ordre qui révulsent nombre de ceux qui s’étaient identifiés aux idéaux de la modernité.
Pour être plus clair : nos nations occidentales qui se précipitent vers des modifications législatives brisant l’ordre profond (euthanasie, unions homosexuelles) ne décident pas seulement de leur propre destin. En brouillant les repères éthiques, elles contribuent à un monde plus dangereux. Un examen de conscience s’impose donc. Notre responsabilité est engagée à l’égard de nos peuples mais aussi d’un monde en recherche précaire d’équilibre et de “nord magnétique”. Ce n’est pas en brisant les ressorts traditionnels – ceux qui ont permis le progrès et l’émergence de nos libertés – les moins contestables, que nous ferons un monde pacifique et réconcilié.
Gérard LECLERC