2936-L'Europe et le christianisme - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2936-L’Europe et le christianisme

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Les gouvernements des vingt-cinq membres de l’Union européenne se sont donc mis d’accord sur le texte de leur future “constitution” commune. Il ne restera aux peuples qu’à ratifier, selon leurs procédures propres, ce document fondateur. Quoi qu’on pense de son contenu, et notamment de la répartition des pouvoirs et des responsabilités distribués, il n’est pas douteux qu’il marque pour l’ensemble du continent un nouveau départ, ainsi que l’esquisse d’un projet pour une aventure sur une planète en mutation vertigineuse. Il était donc nécessaire qu’un consensus sérieux s’établisse pour définir un socle de valeurs à partir duquel une telle aventure pourrait prendre sens. La querelle du préambule qui a opposé tenants et opposants à la mention explicite de l’héritage chrétien de l’Europe n’était pas médiocre, encore moins subalterne. Les enjeux politiques sont marqués par des options incontestablement métapolitiques. De même, il est impossible d’écarter les symboles et les références au nom d’un droit universel. L’Europe de l’Histoire n’est pas sortie du néant, elle s’enracine dans des héritages culturels sans prix. De même l’Europe à venir risquerait de devenir un pur espace de marché si elle ne se référait pas à ce qu’il y a de vivant et de fécond dans les courants spirituels qui sont seuls capables de fournir un éclairage sur la dignité et les fins de l’homme.

On l’a bien compris : il ne s’agit pas de désigner les héritages au seul titre des origines. Les héritages se sont en effet déployés dans le temps au risque de confrontations qui ont pu être virulentes et même tragiques. L’humanisme dont le préambule de la Constitution opère le rappel, est susceptible de définitions contradictoires. Il a donné lieu, dès les XVIIe et XVIIIe siècles (et même dès la Renaissance) à des querelles qui se prolongent aujourd’hui encore, et qui, loin de s’apaiser, s’alimentent de la gravité et de la complexité des choix à portée anthropologique que l’Europe et ses Etats constitutifs devront élucider. Les Lumières d’hier ont donné à la fois naissance au libéralisme démocratique et au totalitarisme moderne. Les débats actuels en bioéthique opposent défenseurs du respect de l’être humain dès sa conception et promoteurs d’une conception utilitariste du patrimoine génétique. C’est pourquoi la mention explicite du christianisme dans le texte constitutionnel était insupportable à ceux qui craignent qu’elle ne donne autorité à certaines conceptions supérieures de la personne et de ses droits. Il s’agissait pour eux de libérer les législateurs de toute hypothèque morale religieuse, en l’espèce biblique.

Mais l’avenir proche se chargera de rappeler qu’on ne se libère pas si aisément de ce qui est bien plus qu’un héritage : une inépuisable source de réflexion, une lumière qui touche aux plus profonds secrets, ainsi qu’un analyseur permanent qui discrimine la vie et la mort, le bien et le mal, la liberté responsable et le nihilisme.

Gérard LECLERC