2929-L'Europe retrouvée - France Catholique
Edit Template
Le martyre des carmélites
Edit Template

2929-L’Europe retrouvée

Copier le lien

Quel dommage que l’entrée de dix nouveaux pays dans l’Union européenne n’ait pas donné lieu à plus d’enthousiasme ! Et notamment chez nous. Hélas, avec le temps, la mémoire s’efface. Et quinze ans plus tard, l’épopée de Solidarnösc, la chute du mur de Berlin, la révolution de velours de Vaclav Havel… semblent être vouées aux seules éphémérides, alors qu’il s’agissait de la liberté recouvrée, de l’histoire vécue ensemble, celle sans laquelle l’Europe serait sans substance, sans vitalité et sans projet. Les événements de 1989 exigeaient cet accomplissement de la réunification européenne. Pendant les années précédentes, celles qui marquèrent le décrochage de plus en plus affirmé des peuples par rapport au totalitarisme, nous avons vibré notamment avec l’extraordinaire Pologne, celle qui à l’appel de Jean-Paul II manifestait sa fierté, sa volonté d’indépendance et de justice. L’élan de fraternité venu de l’Europe de l’Ouest à l’égard de Lech Walesa et des siens, se traduisit par des échanges intenses, des convois humanitaires et une multitude de complicités où se refonda, entre autres, la longue histoire d’amour entre la Pologne et la France.

Tout cela n’est pas complètement oublié mais s’est un peu estompé. Certes le devenir des peuples libérés du communisme les a transportés dans un autre monde, culturel, social, économique, politique. La classe ouvrière qui avait été à l’avant-garde de toutes les révoltes, s’est trouvée violemment projetée hors de l’univers industriel qui était le sien. On a même vu revenir au pouvoir, par le vote démocratique, les successeurs des bureaucraties honnies d’autrefois, qui présentaient ce mérite d’offrir une protection sociale contre la violence des mutations libérales. Mais, en même temps, en dépit des poches de pauvreté, le niveau de vie s’améliorait sensiblement, avec une croissance économique relancée par la modernisation et les marchés extérieurs. Il fallait que les peuples s’y retrouvent, s’ils ne voulaient pas perdre leur âme. L’ouverture au consumérisme et à la communication moderne constituaient autant d’épreuves où se forgeait une société qui ne se reconnaissait plus du passé proche.

C’est pour toutes ces raisons que l’entrée de ces douze nations dans l’Union Européenne n’a pas donné lieu au même émoi que leur libération d’il y a quinze ans. Mais il manquerait peut-être l’essentiel à cet accomplissement nécessaire et attendu, si l’Europe ne profitait pas de l’occasion pour se redécouvrir et peut-être se réinventer. Si Jean-Paul II nous rappelle que la “sève vitale de l’Evangile peut assurer à l’Europe un développement cohérent avec son identité”, c’est que le rappel de nos origines chrétiennes n’a à peu près rien à voir avec la nostalgie mais concerne complètement l’esprit commun que nous donnerons à une construction qui est autre chose qu’un marché élargi et une procédure technocratique. L’inspiration chrétienne ce n’est pas du passé, c’est l’Europe retrouvant une autre jeunesse.

Gérard LECLERC