Certes, il y a encore une marge d’imprévisible qui empêche de donner l’annonce comme définitive. Mais nous pouvons espérer que notre pape Jean-Paul II sera à Lourdes, parmi nous, le 15 août prochain. Mgr Jean-Pierre Ricard, président de la Conférence des évêques de France et Mgr Jacques Perrier, évêque du lieu, qui ont procédé à l’invitation, ont tout de suite senti que le Saint-Père serait heureux d’accepter, pourvu que sa santé désormais précaire le lui permette. Mais n’est-ce pas en tant que membre du corps souffrant de l’humanité qu’il désire se rendre dans le sanctuaire marial dont les affligés de la vie ont toujours été les hôtes privilégiés ? N’a-t-il pas manifesté le souhait d’être hébergé parmi les
autres malades ? Voilà qu’il donne, d’emblée, son sens à cette démarche. Le Pape ne viendra pas à Lourdes pour accomplir une visite pastorale. Pèlerin parmi les pèlerins, il s’associera à toutes les étapes bien connues d’un pèlerinage qui a drainé, depuis 1858, des dizaines de millions de chrétiens du monde entier.
Mgr Ricard et Mgr Perrier ont également précisé que leur invitation correspondant au cent cinquantième anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Qui, parmi les fervents de Lourdes, aurait pu l’oublier ? Les apparitions de la mère de Dieu à sainte Bernadette sont postérieures de quatre ans à cet événement. C’est d’ailleurs, lorsque Bernadette eut expliqué à son curé, l’abbé Peyramale, que l’apparition s’était identifiée à l’Immaculée Conception, que le prêtre, profondément ému, fut persuadé de la véracité du témoignage de la voyante. Cet anniversaire est donc hautement symbolique, et il permet d’espérer qu’une réflexion de foi se développera à propos de cet aspect capital du dogme chrétien.
On s’est aperçu ces dernières semaines qu’il y avait souvent méprise à propos d’une Immaculée Conception confondue avec la conception virginale de Jésus en vertu de l’action de l’Esprit Saint. Il s’agit d’une réalité différente, qui n’est d’évidence intelligible que dans une perspective croyante, bien que la raison humaine puisse percevoir la forte dimension anthropologique d’un tel mystère. Sans les mystères du christianisme, disait à peu près Pascal, nous serions complètement aveugles à notre propre condition humaine. Comment concevoir l’abîme de notre déréliction si la réalité de la chute n’intervient pas pour éclairer nos contradictions inextricables ? Et que signifie l’humanité pleinement restaurée dans la grâce, si Marie n’intervient pas comme le prototype même de notre salut, de notre liberté délivrée de l’hypothèque du mal, de notre condition corporelle elle-même appelée à la Résurrection ? Oui, c’est décidément une très heureuse nouvelle que cette venue du Saint-Père dans la cité de l’Immaculée.
Gérard LECLERC