2914-D'une laïcité idéologique - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2914-D’une laïcité idéologique

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Faut-il conclure, du débat ouvert depuis plusieurs semaines sur la laïcité que nous allons nous acheminer vers un retour à une idéologie dure qui nous ramènerait un siècle en arrière, lorsque le combat laïque avait des convictions ouvertement antireligieuses et anticatholique ? Ce serait un curieux paradoxe, alors que la plupart des historiens s’accordent à penser que la loi de 1905 marque le passage d’une laïcité de combat à une laïcité politique dont le pragmatisme a permis la pacification des esprits. Même rédigée en termes modérés, une loi proscrivant les signes “ostensibles” d’appartenance religieuse risque d’aboutir à des attitudes intolérantes, sectaires. Demain, la chasse aux “petites croix” sera-t-elle reconnue comme une attitude civique et sainement prophylactique ?

Ce n’est pas sans quelque inquiétude que nous lisons, à droite ou à gauche, d’instantes objurgations à muscler un principe républicain qui aurait perdu sa force d’identification et de formation. Ainsi peut-on lire sous la plume de tel intellectuel de droite que l’enseignement public n’a pas à craindre de renouer avec son inspiration voltairienne ou positiviste, et sous la plume d’un intellectuel de gauche, que la laïcité est beaucoup plus qu’un principe de neutralité et d’indépendance, une éthique, voire une philosophie normative à l’usage de tous, supérieure à tous les particularismes religieux. Il est remarquable que toutes ces rhétoriques se réclament d’un héritage philosophique dont la supériorité serait fondée sur une sorte d’impeccabilité historique. Alors que le christianisme est accusé de multiples fautes indélébiles, la restauration laïque se réclame d’une pureté sans mélange, ses succès et ses progrès coïncidant infailliblement avec la montée de la conscience humaine. Charles Péguy avait déjà dit sa façon de penser à l’égard de ces philosophies qui ont les mains pures, parce qu’elles n’ont pas de main…

Mais il y a encore mieux à la fine pointe de cette rhétorique laïciste. Certains intellectuels “branchés” n’hésitent pas à réclamer de l’Etat un enseignement ouvertement païen, voire athée, apte à libérer l’intelligence des présupposés de la culture judéo-chrétienne. Très explicitement, on propose une opération chirurgicale antireligieuse, qui correspond à la nécessité de permettre à tout individu d’“accroître son bonheur et sa liberté”. On dira que de telles affirmations demeurent minoritaires. Elles n’en sont pas moins révélatrices de la confusion d’un débat qui souvent s’enlise, sans aucun profit pour la paix publique et l’authentique liberté de conscience.

Gérard LECLERC