Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent les maçons… La parole du Psaume, reprise de génération en génération, sonne étrangement aujourd’hui. Si on prête attention à tout un discours, on aurait bien souvent l’impression que c’est “le Seigneur” qui empêche de bâtir tranquillement la maison commune. Entendons-nous, il est arrivé plus d’une fois dans l’Histoire que les bâtisseurs se prévalent du nom de Dieu, pour donner légitimité à leurs appétits de puissances. Mais ce n’est pas du tout le sens du psaume et de la vérité permanente qu’il rappelle aux hommes. Le Dieu vivant et vrai est au-delà de toutes nos querelles, mais il est notre interlocuteur permanent dès lors qu’il s’agit de savoir ce que valent nos pauvres vies et si l’Histoire est autre chose qu’une aventure cahotique qui se terminera forcément mal.
Voilà un élément du débat trop absent de la querelle de la laïcité, qui pourrait d’ailleurs être le prix d’un mensonge soigneusement entretenu. Non, il n’est pas vrai, historiquement, que la lutte qui a opposé “les deux France” n’a pour motif qu’une volonté de séparation des domaines. Ce qui constitue son aspect le plus âpre tient à un désaccord de fond, qui est métaphysique. Charles Péguy l’avait parfaitement compris en son temps lorsqu’il évoquait “la séparation de la métaphysique et de l’Etat”, en désignant la tentation récurente de l’Etat moderne de fabriquer sa religion civile comme substitut à la religion catholique. De fait, il y a une volonté certaine, de la part de tout un courant “républicain” d’accomplir une révolution intellectuelle où la science, conçue sur un modèle positiviste, aura pour mission de remplacer l’enseignement religieux.
Certes, nous n’en sommes pas là, même si parfois se dessine la tentation d’un retour aux archaïsmes du combat laïque. Mais cela ne veut pas dire qu’une question ne demeure pas posée. Si la science n’est pas l’alibi officiel de l’irréligion, la religion n’est pas pour autant la bienvenue, dès lors qu’il s’agit d’éclairer le domaine des fins. Ainsi que l’écrit le cardinal Christoph Schönborn, «Qui sait encore ce qui fait la cohésion profonde du monde ? Qui dispose du remède contre la perte du sens commun, contre l’érosion de la solidarité, comme la conception, si répandue, et contre tout esprit de communauté, de la “vie du chacun chez soi”» (1) Les chrétiens n’entendent pas dans l’Europe pluraliste d’aujourd’hui, se dérober au nécessaire dialogue avec les autres courant culturels et spirituels. Ils demandent simplement que l’héritage chrétien soit reconnu comme une valeur non uniquement patrimoniale. Une valeur qui peut être vivifiante, ne serait-ce que pour donner un autre horizon à la construction européenne, un recours à des valeurs qui permette qu’elle échappe au destin d’une Babel sans visage et sans espoir.
Gérard LECLERC
Pour aller plus loin :
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Discours du Pape au monde la culture
- Discours du Pape au monde la culture, 12 septembre au collège des Bernardins
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies