L’actuelle explosion qui concerne l’ensemble des zones urbaines de notre pays ne se comprend pas indépendamment de notre histoire contemporaine et de l’évolution qui a amené à la constitution de ces vastes concentrations de population issues de l’immigration. La violence qui apparaît de façon spectaculaire ces jours-ci, existe de façon endémique depuis longtemps. Même si des causes conjonctuelles ont joué, elles ne peuvent être isolées d’un contexte général propre à l’anonie sociale (les zones de non-droit), au désœuvrement (le chômage massif) ainsi qu’à la création d’une économie souterraine de nature criminelle (le trafic de drogue). Ajoutons que toute appréciation univoque, et plus encore simpliste ou manichéenne de la situation contribue à rendre plus insolubles des problèmes extrêmement ardus. Ceux qui prétendent disposer de solutions complètes ou définitives aux maux dont nous souffrons, sont des imposteurs. L’extrême complexité des tâches à entreprendre requiert de la part des personnes de bonne volonté un climat de concertation et un oubli des rivalités de partis.
Il faut d’abord bien comprendre qu’on ne pourra revenir en arrière et que la seule perspective raisonnable face à la présence forte de populations d’origine étrangère est l’intégration au sens où le mot est compris en France et qui se distingue des conceptions communautaristes anglo-saxonnes. Une des raisons peu évoquée des flux migratoires français se rapporte à notre passé colonial et des responsabilités que nous avons contractées à l’égard de ces pays qui parlent notre langue et se tournent naturellement vers nous pour sortir de leur misère économique. La décolonisation, en marquant une nouvelle phase des rapports politiques, n’a nullement interrompu une histoire qui se poursuit. Sans doute peut-il y avoir une meilleure régulation de l’immigration, mais tant que l’Afrique sera dans l’incapacité d’offrir à ses enfants les moyens de leurs aspirations, les murs dressés pour empêcher la circulation des personnes se révéleront impuissants.
Sans doute, la faiblesse de notre croissance économique rend-elle problématique l’accès à l’emploi dans les banlieues. De plus, la répugnance à l’expansion de la dépense publique s’oppose-t-elle aux investissements massifs en faveur des besoins les plus cruciaux en matière d’urbanisme, d’éducation et de formation. Mais rien ne serait plus dommageable qu’une résignation qui découragerait toute initiative. Mgr Ricard, depuis Lourdes, a résumé en une formule le vœu qui devrait être commun : “Il est vital d’offrir à ces nouvelles générations, souvent en mal d’espoir, un avenir de liberté, de dignité, et de respect de l’autre.” La violence doit être endiguée au plus vite. Mais le maintien de l’ordre immédiat ne suffira pas à résoudre une crise profonde. C’est toute la nation qui est appelée à se resituer dans une perspective de bien public pour trouver les solutions multiples et dynamiques qui juguleront le fatalisme du désespoir et de la haine.
Gérard LECLERC