2892-Evangélisation et laïcité - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2892-Evangélisation et laïcité

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L’actuelle discussion sur la laïcité, relancée par le président de la République – qui a demandé à Bernard Stasi de lui remettre un rapport sur le sujet – permet d’enregistrer les propos les plus divers. Certains ne sont pas toujours heureusement inspirés. Ainsi, un certain zèle laïque conduit à ranimer les querelles d’hier, sans profit aucun pour aujourd’hui, du moins si on pense qu’une certaine notion de laïcité devrait servir à la paix civile et non à la guerre idéologique. N’a-t-on pas entendu rappeler l’expulsion des congrégations religieuses des débuts de la troisième République, comme s’il s’était agi d’une heureuse initiative ? Cela peut aller jusqu’à l’éloge même du sectarisme idéologique et de la haine antireligieuse qui caractérisait ce que Charles Péguy appelait “la tyrannie combiste”.

Nous sommes au regret de le dire. Il y a régression intellectuelle aujourd’hui lorsqu’on se permet de remettre au goût du jour les pires étroitesses d’esprit, croyant naïvement qu’on protégera ainsi la société des dangers du fondamentalisme religieux. C’est précisément le contraire qui se produira. En croyant ériger des barrières hermétiques contre le retour des religions dans l’enceinte publique, on ne fera que ranimer les préventions, endurcir les préjugés et jeter la suspicion sur une civilisation fermée à toute transcendance.

Bien souvent, le port du voile chez les jeunes musulmanes correspond non pas à un déni d’autonomie personnelle, mais au contraire à une revendication de reconnaissance d’une liberté intérieure.

Certes, cette régression “laïcarde” est très loin d’être unanimement partagée. Elle n’en donne pas moins une tonalité désagréable au climat ambiant et pourrait amener à de sérieux dérapages. Notre liberté de chrétiens est en cause, lorsqu’on fait le procès du témoignage évangélique et lorsque le projet de “nouvelle évangélisation” est désigné comme une menace par ceux qui sont prompts à y reconnaître les manœuvres du prosélytisme. Bien sûr tout cela apparaît terriblement archaïque à l’heure où les intellectuels les plus éclairés militent pour une ouverture de l’école à la culture religieuse.(1) Ce n’en est pas moins un fait contre lequel il convient de protester, ne serait-ce qu’au nom des exigences supérieures de l’Esprit.

Qu’on nous entende bien. Nous compterons toujours parmi les défenseurs de la laïcité de l’Etat et de sa neutralité en matière métaphysique et religieuse. Nous restons fermes sur les conditions d’un pluralisme éclairé. Cela ne nous rend que plus déterminés à revendiquer notre propre liberté évangélique. Celle qui nous permet d’ouvrir avec l’autre le dialogue pascalien. Celui de la persuasion sans aucun doute, mais qui n’est possible que parce qu’il se rapporte au souci de l’âme, à la soif du vrai et du bien. Charles Du Bos parlait de la prodigieuse probité de Pascal, en ce qu’il reconnaissait l’ultime exigence de la Pensée. C’est pour elle que nous plaidons au sein d’une société qui s’épuiserait à nous refuser la plus légitime des libertés.

Gérard LECLERC