2881-Une Europe "chrétienne" - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2881-Une Europe « chrétienne »

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Lors de sa visite à Madrid, Jean-Paul II n’a pas manqué de revenir sur la question des racines chrétiennes de l’Europe. « N’abandonnez pas vos racines chrétiennes, c’est seulement ainsi que vous serez capables d’apporter au monde et à l’Europe la richesse culturelle de votre histoire. » En parlant ainsi à l’immense foule qui se pressait sur la plazza de Colon, le Pape entrait, une fois de plus, dans le débat qui met aux prises tous ceux qui s’interrogent sur l’héritage intellectuel de notre continent. Une conception plutôt abrupte de la laïcité, et qui se comprend à l’étude des caractéristiques de l’histoire française, s’oppose par principe à toute évocation d’une culture religieuse qui pourrait prétendre à une sorte de prépondérance morale. L’affaire se complique encore – lorsqu’elle ne tourne pas à l’aigre – lorsque la phobie aboutit à l’interdit, ce qui n’est que la conséquence de la coupure introduite à l’âge des Lumières par un rationalisme proche de l’athéisme.

On pourrait croire, un siècle après la loi française de séparation de l’Eglise et de l’Etat, que le climat s’est apaisé et que l’espace dévolu à la neutralité de l’Etat libéral s’accommode d’un regard serein sur les héritages du passé, ce qui est souvent le cas, bien que persiste un courant laïciste, représenté par des lobbys puissants, et qui s’acharne à imposer une idéologie très anti-religieuse. Cependant, les autorités politiques se préoccupent de l’intégration d’une population d’origine musulmane qui semble mettre à mal le compromis actuel de la laïcité. Certains seraient disposés à revenir sur certains aspects de la loi de 1905, tandis que d’autres s’opposent farouchement aux dangers d’un communautarisme qui ébranle les fondements de la République. Le moment ne paraît donc pas propice à rappeler les racines chrétiennes de l’Europe, puisque ce serait au risque de fâcher les musulmans et de compromettre la neutralité laïque…

Mais les choses ne seraient-elles pas plus claires si on s’avisait de faire les distinctions nécessaires et d’ôter à la laïcité les présupposés idéologiques qui en firent longtemps une doctrine de combat. ? Certes, ce n’est pas facile. L’histoire des idées montre à quel point les doctrines philosophiques qui sont à l’origine de la modernité sont imprégnées de lourds a priori. Depuis Machiavel et Spinoza, la philosophie politique peine à reconnaître la légitimité de l’ordre spirituel.

Lorsque Hannah Arendt affirmait que la critique des Lumières n’était pas parvenue à atteindre sérieusement la substance de la foi biblique, elle montrait à quel point la culture européenne restait blessée par une lutte souterraine incessante. C’est dire la tâche urgente et difficile qui s’offre à tous ceux qui veulent fonder l’avenir sur le dépassement des ambiguïtés dont l’Europe devra se guérir si elle veut être digne de ses ambitions.

Gérard LECLERC