L’encyclique signée par Jean-Paul II le Jeudi saint, ramène les catholiques au cœur de leur foi et donc au cœur du mystère de l’Eglise. Aucun document n’était plus apte à rappeler le sens des événements de la grande semaine, qui sont précisément fondateurs de cette économie de la Rédemption et du don qui, par la puissance de l’Esprit, ne cesse d’être communiqué à l’Eglise. Il n’était sans doute pas trop facile aux médias de communiquer sur cette réalité mystique, qui échappe même aux prises de l’anthropologie classique, lorsqu’elle prend au sérieux le sens religieux de l’humanité. Régis Debray, dans son dernier essai (Le feu sacré, fonctions du religieux, Fayard) toujours aussi brillant et suggestif, nous montre quand même les limites de l’exercice. Demeurant dans le cadre d’une sociologie durkheimienne, le religieux relève d’une mythologie certes indispensable pour tenter d’expliquer la part la plus énigmatique de l’histoire, mais il est dans l’impossibilité de nous dire en quoi il y a eu un miracle juif et pourquoi le Verbe s’est vraiment fait chair.
Or l’Eucharistie est tout autre chose qu’une pratique mythique, relevant d’un irrationnel irréductible, ou encore d’un imaginaire ésotérique. Elle est le signe efficace qui actualise l’Incarnation, la Rédemption qui s’achève dans la Résurrection. La nourriture qui nous est donnée est la chair même du Ressuscité. Nous sommes dans l’ordre de cet admirable échange où le Dieu trinitaire fait entrer l’humanité dans sa vie intime. Ainsi ce sacrement rassemble-t-il tout l’enseignement de la foi, en concentrant les événements centraux de l’existence du Christ et en les référant à la logique trinitaire.
L’assemblée eucharistique est déjà assemblée des saints, elle anticipe le grand banquet céleste et propulse l’humanité à la haute vertigineuse de sa vocation divine. Jean-Paul II souligne l’aspect eschatologique du sacrement dont l’Apocalypse nous laisse entrevoir la portée, en évoquant la liturgie céleste : « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau ! »
Il y a une condition unique et indispensable pour participer à la plénitude du don absolu que Dieu fait de lui-même : c’est celle qui permet d’adhérer de tout son cœur et de toute son intelligence à l’amplitude du mystère et aux conditions d’exercice du sacrement qui relève du sacerdoce que le Christ a fondé le Jeudi saint. La contemplation du mystère eucharistique doit conduire toute la communauté chrétienne à reprendre conscience de la grandeur christologique du sacerdoce. Seigneur, donnez-nous des prêtres !
Gérard LECLERC