Combien de temps durera encore la bataille de Bagdad ? L’avancée des troupes américaines, pour être irrésistible, ne se paie pas moins du prix de centaines (ou de milliers ?) de soldats irakiens et de victimes civiles. Nous avons hâte que tout cela s’arrête. La fin du régime de Saddam Hussein constituera sans aucun doute l’aspect le plus spectaculaire et le plus convoité de la victoire de la coalition du président G. W. Bush. Sera-ce pour autant la fin des tribulations du peuple irakien ? Ce devrait être le souci de tous. Les Irakiens ont déjà tellement souffert ! Et pas seulement du fait d’un dictateur sanglant et mégalomane ! On oublie un peu trop, du côté américain, les souffrances endurées à cause d’un embargo qui dure depuis douze ans, et qui selon l’UNICEF aurait contribué à tuer un demi-million d’enfants. Nous savons à quel point ce genre d’informations est difficile à vérifier et comment il a servi d’argument de propagande au régime inhumain de Bagdad. Mais tout de même ! Il y a suffisamment de témoins impartiaux pour attester de l’extrême pénurie du pays en vivres et en médicaments pour ne pas mépriser cette réalité.
Un prêtre français, secrétaire général de la fondation Beato Angelico d’Assise, Jean-Marie Benjamin, vient de publier son journal de cinq années de voyages au cœur de l’Irak (Irak, ce que Bush ne dit pas, éd. CLD). Le constat est accablant. Comment veut-on qu’un peuple à ce point malmené ait vraiment confiance en ses « libérateurs », alors que ceux-ci n’ont cessé de le persécuter ? Qui ose parler des effets dévastateurs de la contamination radioactive des armes à l’uranium utilisées pendant la guerre du Golfe ? Qui évoque le résultat de vingt-trois mille opérations aériennes non autorisées au-dessus du territoire irakien ?
Une fois le régime dictatorial abattu, il faudra reconstruire. Il est difficile d’imaginer comment s’opérera la phase transitoire dans un pays occupé, où l’Amérique ne pourra pas maintenir trop longtemps ses troupes. Ce qui est sûr, c’est que la paix ne sera définitivement acquise qu’avec l’accord profond des diverses communautés de ce pays, et qu’elle exigera de la part de la communauté internationale un élan de solidarité exceptionnel. Il n’est pas rassurant que l’après-guerre se négocie à coups de contrats mirobolants pour assurer aux sociétés américaines les dividendes de la victoire. Seule, nous le redisons, une conférence internationale, réunissant tous les partenaires possibles, y compris ceux qui ont refusé la guerre anglo-américaine, sera en mesure de panser les plaies, pour permettre à ce pays accablé d’espérer, au-delà de sa survie, sa renaissance.
Gérard LECLERC