2867-Ce que la foi apporte au débat public - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2867-Ce que la foi apporte au débat public

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La religion est, aujourd’hui, au cœur de l’actualité politique. Le ministre de l’Intérieur, qui est aussi celui des cultes, s’en dit persuadé. Cela est si vrai que la question de la laïcité s’en trouve substantiellement affectée. Certes il n’est pas question de revenir sur le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, tel qu’il fut inscrit dans la loi au début du siècle dernier. Mais sa compréhension et son application sont susceptibles de développements qui changent complètement la façon dont on l’envisage. Certes, la présence d’une forte communauté musulmane n’est pas pour rien dans ce phénomène. Les pouvoirs publics constatent que la régulation de la vie sociale suppose des rapports organiques avec le monde religieux qui, dès lors, voit son existence publiquement consacrée. Il n’est plus de saison de renvoyer “les croyances” à la seule sphère privée. Elles interfèrent dans l’ensemble de la vie civique. Et, sans jamais renoncer à son indépendance et à sa neutralité philosophique et religieuse, l’Etat doit reconnaître les Eglises et les différents cultes comme des partenaires obligés.

Les conséquences de cette évolution ne sont pas seulement d’ordre institutionnel. Elles modifient considérablement la conception même de la vie sociale. Pendant des décennies, nous avons vécu, dans notre pays, sur les orientations d’une laïcité qui avait un fort contenu idéologique et se donnait comme une vision générale du monde. Le philosophe américain John Rawls, récemment décédé, s’était opposé avec force à cette intrusion de l’Etat libéral dans le débat idéologique. Ses remarques critiques trouvaient en France un terrain tout à fait privilégié, le laïcisme y étant une quasi-religion définie et soutenue par des groupes de pression qui prétendaient s’identifier à la République et à sa tradition. C’est un tel amalgame qui se trouve en cause, dès lors que l’on n’admet plus que le laïcisme dénature la laïcité.
Le penseur allemand Jürgen Habermas vient de porter un nouveau coup sérieux à cette dérive de l’Etat libéral, en appelant de ses vœux un dialogue plus intense des courants sécularisés avec les courants religieux. Face aux difficultés considérables posées par les interventions sur la structure biologique de l’homme, le théoricien de l’agir communicationnel est d’avis que le patrimoine symbolique de la tradition religieuse, et d’abord biblique, est indispensable à la connaissance profonde de l’homme et à la défense de sa dignité. Voilà qui devrait en faire réfléchir plus d’un et permettre une autre pratique du débat public où la foi ne serait plus dédaignée par le savoir, mais interrogée avec respect. (1)

Gérard LECLERC