Lecteurs fidèles ou récents du journal, il est bon, pour nous, de vous associer à nouveau, en cette rentrée, à notre réflexion commune. Au fil de nos numéros, vous devez saisir l’intention profonde des rédacteurs de France Catholique, qui n’ont jamais voulu que servir la cause de l’Eglise. Au cours d’une histoire déjà longue, les équipes se sont succédé, affrontant des conjonctures différentes, essayant, de toutes leurs forces, de comprendre leur temps, de répondre aux perplexités de leurs contemporains et de puiser dans la tradition chrétienne de quoi éclairer les esprits, démêler la complexité du présent, définir des solutions d’avenir. La tâche, aujourd’hui, s’offre à nous sous un aspect particulièrement stimulant, qui tient à la singularité de l’inscription du message chrétien dans notre société.
En effet, nous vivons d’étonnants paradoxes. D’un côté, le christianisme atteint désormais une dimension universelle. Notre Eglise catholique est réellement devenue une Eglise-monde, présente sur tous les continents et suscitant une éclosion prometteuse de chrétiens qui donnent la preuve vivante que la foi peut s’inculturer en tout terrain, parce que la Bonne Nouvelle s’adresse à tous et parce que « par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni à tout homme », selon l’enseignement de Jean-Paul II. Mais par ailleurs, le continent qui avait été évangélisé en premier montre des signes alarmants de faiblesse. C’est à tel point que les autorités politiques d’un pays comme le nôtre, pourtant liées par une conception rigoureuse de la laïcité, s’inquiètent. La mémoire même du christianisme est en danger. Au fur et à mesure que se réduit la proportion des élèves suivant une catéchèse, la culture commune s’appauvrit et l’oubli des sources de notre civilisation constitue un réel déni d’héritage.
Précisons notre point de vue. Pour nous, le message chrétien n’est pas d’abord question de culture, mais question de vie. La lumière du Christ est incomparable pour éclairer toutes les interrogations, mais préalablement elle pénètre jusqu’au cœur de notre être pour en faire jaillir la réponse à l’appel qui vient de Dieu. Notre Père du ciel nous veut ses fils dans la configuration à son Fils unique et dans la disponibilité à l’inspiration de l’Esprit. C’est pourquoi le défi culturel n’intervient qu’en second lieu. Il a pour nous le visage d’une nouvelle évangélisation, qui se présente sous le mode missionnaire d’une Eglise pentecôtale, avec cette particularité qu’il s’agit de réapprendre à l’Europe le message dont elle est née et qu’elle a oublié.
La question culturelle, si importante aux yeux de Jean-Paul II, apparaît ainsi liée au message de l’annonce de la vie, parce que celui-ci se rapporte aux requêtes les plus essentielles de la raison et de l’histoire. La grâce s’offre à la nature pour la guérir et la parachever, si bien que c’est l’ensemble de l’existence humaine qui se trouve ainsi ressaisi et rapporté à l’intervention divine sur la création.
La tâche d’un hebdomadaire comme le nôtre se situe à cette intersection de l’annonce du message et de la culture. Voué à l’évangélisation de notre société, il aspire à ouvrir le dialogue le plus exigeant avec nos contemporains afin de mettre en évidence la concordance de la Bonne Nouvelle avec les aspirations profondes de l’homme, et la construction d’un monde libéré de l’hypothèque du péché et de la désintégration intérieure. Beaucoup se rendent compte des faiblesses extrêmes d’une société qui a perdu le sens de la fidélité, de la promesse et de l’alliance. On craint à juste titre la régression des structures symboliques sans lesquelles il n’est pas possible à l’individu, à la famille et à la communauté de s’élaborer. C’est dire le caractère crucial de l’éthique anthropologique. Parce que le Verbe s’est fait chair, parce qu’il est venu nous révéler notre vocation de fils et de filles de Dieu, l’espérance nous anime. Nous avons le sentiment d’une vocation propre à notre hebdomadaire de culture chrétienne, qui consiste à participer à ces débats d’intérêt vital où la foi se propose de construire une humanité en cohérence avec le message qui l’éclaire et la sauve.
P.S. La souscription pour la survie du journal est toujours d’actualité. 8000 euros ont été collectés au mois d’août. C’est encore très insuffisant. Merci de libeller vos chèques à l’ordre de ADCC. Un reçu fiscal vous sera aussitôt adressé.
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI