2789-La mémoire du passé - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2789-La mémoire du passé

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Il ne faut pas sous-estimer la difficulté du retour de la conscience sur un passé proche, qui demeure d’autant plus douloureux que ses acteurs, ses victimes et ses témoins sont toujours là pour exprimer leurs mémoires singulières. Les catholiques ont eu, entre eux, un débat à ce propos, qui ne s’est d’ailleurs pas éteint, lorsque le Pape eut la singulière audace d’engager l’Eglise dans une démarche de repentance. Ce débat fut singulièrement vif en France, lorsque l’Episcopat, en une poignante cérémonie à Drancy, demanda pardon à la communauté juive pour l’attitude des catholiques à son égard pendant la seconde guerre mondiale. Il est très difficile d’être juste, d’apprécier les données d’une situation historique et le degré de culpabilité des uns et des autres dans des époques tourmentées. Le débat actuel sur les responsabilités de la France durant la guerre d’Algérie, avec la question de la torture, n’échappe pas aux ambiguïtés et aux ruses de la raison historique. Une raison qui est étroitement associée au jugement moral que l’on peut porter sur les hommes, leurs actes référés aux circonstances du moment.

Sans doute y a-t-il des faits massifs, ceux qui attestent d’une rupture gravissime des lois de la morale et du respect de l’homme. Mais, même lorsqu’un général Aussaresses parle ouvertement des transgressions commises par l’armée française, on a le sentiment que le caractère passionnel qui s’attache à la période 1954-1962 rend difficile une véritable explication mutuelle entre les tendances qui s’affrontent en France, a fortiori entre Français et Algériens. On ne peut oublier que lorsque Aussaresses arrive en Algérie, il doit réagir à Philippeville contre un massacre organisé où des femmes et des bébés ont été tués. Ce fait ne justifie pas le dérapage généralisé vers la torture et les exécutions sommaires. Mais on ne saurait faire l’impasse sur aucune des données du drame algérien. Les responsabilités françaises ne sont pas unilatérales, et on ne saurait ignorer les lois de la guerre révolutionnaire, qui impliquent un climat de terreur et la rupture irréversible des liens entre les diverses communautés et les diverses appartenances.

La discussion actuelle n’est pas indemne de jugements unilatéraux, passionnels et idéologiques. On ne saurait d’ailleurs s’en étonner. La morale humaine ne met pas aux prises de pures consciences, mais des êtres de chair et de sang, impliqués dans une histoire souvent traumatisante, où il est difficile de reconnaître les véritables Justes. Cela ne veut pas dire qu’il faut renoncer à examiner le passé, en y reconnaissant ses propres fautes. Bien au contraire, l’anamnèse historique est indispensable. Si elle est conduite dans les conditions nécessaires d’équité, elle ne saurait se réduire à la mise en accusation des coupables dans les différents camps. Elle doit servir à la lucidité, et plus profondément aux repentances mutuelles pour la réconciliation des peuples français et algériens. Ce ne sera pas l’affaire d’une simple campagne de presse. Les historiens allemands ont mis cinquante ans avant de pouvoir juger de la responsabilité de leur peuple dans les crimes du IIIe Reich. Il nous faudra prendre le temps nécessaire pour ouvrir l’avenir au pardon et à la reconnaissance mutuelle.