Dimanche dernier, à la primatiale Saint-Jean de Lyon, et sous la présidence du cardinal Billé, une foule priante et joyeuse a célébré les vingt-cinq ans de la liturgie chorale du peuple de Dieu. Nos lecteurs connaissent bien l’œuvre entreprise par notre ami, le père André Gouzes, pour le développement du chant liturgique et le renouvellement de la participation de nos assemblées à la grande prière de l’Eglise. Aussi voulons-nous nous associer à cet anniversaire, dont l’importance pour nous est primordiale. Nous devons beaucoup au père André, nous avons beaucoup prié, réfléchi autour de lui dans ce bel havre de paix que constitue l’abbaye de Sylvanès, qu’il a restaurée et qui est devenue un haut lieu de respiration spirituelle pour tant d’amis, venus souvent de très loin, car le mouvement qui s’est développé depuis l’abbatiale cistercienne a acquis une dimension ecclésiale internationale, même œcuménique.
L’action liturgique est au cœur de la vie de l’Eglise. Vatican II avait voulu le faire comprendre, en suscitant une réflexion théologique intense et en faisant le pari de l’inculturation dans toutes les langues du monde. Pourquoi ne pas le reconnaître ? Si l’enjeu était magnifique, le risque pris était énorme. L’enjeu, c’était l’accession de toutes les cultures du monde à l’expression du mystère du salut. Le cardinal Lustiger pouvait écrire en 1985, pour récapituler déjà l’œuvre entreprise depuis le Concile, qu’il s’agissait de restituer « la dignité et la force des langages symboliques de l’Histoire en les donnant au Christ ». Aucun peuple n’était laissé pour compte, le langage de la plus humble ethnie africaine était appelé autant que celui des plus puissantes nations à participer à l’eucharistie universelle, unissant la voix du cœur liée à l’expression de la culture natale à la louange de l’Esprit. Le risque, c’était de ne pas comprendre l’exigence que supposait une telle mutation. La liturgie ne souffre pas la médiocrité, et ce n’est pas pour rien que les plus grands artistes ont toujours été associés à la création de nouveaux modes d’expression dignes de l’action entreprise. On a pu dire que l’œuvre de Jean-Sébastien Bach constituait comme un cinquième évangile…
L’inculturation aurait dû donc susciter un effort de création, qui s’est souvent laissé attendre et dont les défaillances ont été d’autant plus ressenties que l’abandon de tant de richesses patrimoniales a pu laisser penser un moment à un ratage global du renouveau liturgique. C’est dire à quel point le grand travail du père André Gouzes, en lien avec les pères Daniel Bourgeois et Jean-Philippe Revel, a représenté, au sein d’un certain désarroi, une espérance inattendue… Le défi du Concile était enfin relevé, la liturgie trouvait des modes d’expression qui permettaient l’inculturation, et celle-ci s’opérait non dans la rupture mais le développement approfondi de l’histoire de l’expression sacrée. Le grégorien autant que les traditions byzantines se trouvaient sollicités pour donner élan et profondeur à la louange française… mais les autres nations y trouvaient tellement leur compte qu’elles voulaient participer – jusqu’au Japon – à la liturgie chorale du peuple de Dieu ! Toutes ces communautés anciennes et nouvelles, toutes ces paroisses qui à travers le monde ont retrouvé la joie de chanter la divine liturgie, peuvent adresser au Seigneur leur exsultet. Merci, cher père André. Nos prières vous accompagnent, et nos vœux, pour poursuivre jusqu’à son terme ce qui a été si bien commencé.