Chaque annonce de consistoire est toujours l’objet de spéculations sur le nouveau visage de la haute hiérarchie ecclésiale. Non sans une certaine vanité. Il y a cinq ans déjà, les commentaires sur la prochaine (?) succession de Jean-Paul II se signalaient par leur arrogance, et l’exercice qui consiste à choisir quelle sera la ligne obligée d’un futur pontificat est vite frappé d’obsolescence. Une chose est certaine : le gouvernement de l’Eglise catholique est fermement tenu et la toute récente lettre Novo millenio ineunte atteste la netteté de pensée de celui qui fut providentiellement chargé au passage du nouveau millénaire. D’où, peut-être, la difficulté de se risquer à la prospective ecclésiale. Il ne faut pas se cacher qu’il sera ardu de procéder au remplacement de « l’équipe apostolique » qui, à Rome et en bon nombre de métropoles, assume les grandes responsabilités actuelles.
Cela ne veut pas dire qu’il faut trop s’inquiéter. Le renouveau de l’épiscopat en France atteste, contre les prévisions des prophètes de malheur que l’Eglise est toujours riche de ressources et que la relève s’opère dans des conditions inédites, non sans promesses de futures surprises. Cependant, le Pape et ses principaux collaborateurs sont les témoins du tournant de Vatican II, témoins et acteurs, inspirateurs souvent en symbiose avec ceux qui furent leurs maîtres très proches. Il appartiendra à la génération de leurs successeurs de prendre en charge une autre réalité, dont nous voyons se dessiner les lignes, sans être sûrs de tout bien comprendre encore.
Le manque d’imagination des commentateurs qui, très souvent, se bornent à reproduire des schèmes très anciens (parfois des années cinquante) se rapporte à l’incertitude de ces lendemains. Au fond, ils recherchent du trop connu, au moment où il faudrait s’enquérir de l’inconnu, de ces terra incognita qui nous attendent et qu’il s’agira d’aborder avec l’audace fidèle des conquérants spirituels des nouveaux mondes. Mais arrêtons-nous nous-mêmes de spéculer. La nouvelle promotion cardinalice nous impose aussi le sentiment d’une continuité apostolique grâce à laquelle la foi n’a cessé d’être transmise.
Il nous plaît que le successeur de saint Irénée à Lyon fasse partie de cette promotion cardinalice. Nous apprécions la sûreté de son jugement depuis qu’il préside notre conférence épiscopale. L’heureuse surprise de la promotion de Mgr Jean Honoré s’ajoute à celle, « normale », de Mgr Louis-Marie Billé. L’ancien archevêque de Tours est un disciple fervent du grand Newman, qu’il a fait connaître à beaucoup d’entre nous. Dans un récent ouvrage, il revient sur la figure de ce vrai prophète du christianisme aujourd’hui et demain, celui qui ose nous prévenir de la conversion constante qu’impose aux disciples du Christ leur mission d’apporter au sein du monde le royaume invisible du Christ(1).
(1) Jean Honoré, Fais paraître ton jour, Newman poète et prophète de l’au-delà, Cerf.