2768-Il s'est fait chair - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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2768-Il s’est fait chair

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Il s’est fait chair

Noël ne nous importe que parce que le Verbe s’est fait chair et parce qu’Il a habité parmi nous. Tout le reste, même légitime, ne pèse rien à côté du mystère central qui ne cesse de bouleverser la condition humaine. Cela commence avec la visite de l’ange, et le fiat de Marie. Elle conçoit du Saint-Esprit. Bergers et mages vinrent contempler l’enfant, et depuis lors nos cantiques populaires peuvent chanter le divin Enfant, en toute vérité théologique. Il est dans la crèche, vrai homme et vrai Dieu, nullement une apparence. Comme l’écrit admirablement Michel Henry*, cette chair crie, sourit, elle souffrira dans les supplices de la Passion, elle mourra, clouée sur la croix. Le mystère est tellement grand et stupéfiant que très tôt les hérésies ont voulu que tout cela n’ait pas de substance. Dieu réduit à la condition humaine, n’est-ce pas un blasphème, l’idée impie par excellence ? Précisément non, l’Incarnation est le premier dogme du christianisme et la première pierre d’achoppement de la foi.

Vérité paradoxale, bien sûr, mais vitale pour nous. Car nous ne comprenons notre humanité que grâce à cette incarnation du Verbe. L’homme n’a rien d’évident à ses propres yeux. Il est énigme absolue. Aucune définition philosophique ne peut épuiser son être au monde. Et la dérobade moderne qui consiste à miser sur l’indéfini de la liberté et l’indéfinition d’une nature ne fait qu’éviter le questionnement au profit des impasses du nihilisme. Les penseurs des dernières décennies ont surtout excellé dans un travail de déconstruction, dont le seul mérite est peut-être de ne pas fixer l’idée d’homme à une idole. Mais entretemps, toute anthropologie a disparu, et c’est le scientisme qui est amené à dénouer les questions les plus graves que posent les pouvoirs que sciences et techniques ont confié à l’homme pour agir sur lui-même.

Noël, c’est d’abord la lumière que Dieu donne aux hommes, en leur révélant leur appartenance divine, qui seule constitue une réponse à l’énigme de leur condition. Le Verbe se fait chair, parce que la chair de l’homme est prédisposée à être la demeure de Dieu en ce monde. Dès la création, la ressemblance divine est affirmée. L’incarnation du Verbe s’inscrit dans l’économie de l’Alliance comme le sommet, l’aboutissement. Dieu s’est fait homme, cela veut dire que la divinité s’est unie à l’humanité, de telle façon que cette dernière est enfin réalisée selon le dessein ultime de la création. Le Verbe est en Jésus, pleinement homme. L’orthodoxie a rejeté toutes les tentatives pour ôter à l’humanité ses prérogatives et son intégrité. Avec Noël donc, l’homme ne peut plus échapper à Dieu qui l’a créé puis recréé plus admirablement encore, et il apparaît comme radicalement indisponible à toute tentative d’appropriation, de manipulation et de tri. Dès l’annonce de l’ange, l’Enfant-Dieu est bien plus que l’enfant issu des noces profondes dont nous a parlé Rilke. Au sein de la Vierge Marie, il vient de l’amour éternel de la Trinité et il atteste la dignité de fils et de filles de Dieu de tous les enfants des hommes.

* Michel Henry, Incarnation, une philosophie de la chair, Seuil 2000, 373 p. , 140 F.