La principale difficulté – avec Dominus Iesus – n’est pas dans le document lui-même, mais dans la façon dont il a été reçu ». Ce propos du pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France, devrait mettre fin à une polémique empoisonnée au sujet du texte du cardinal Ratzinger sur l’universalité du salut en Jésus-Christ. Il est en effet patent que cette polémique a été surtout alimentée par des susceptibilités marquées à vif par des questions de coexistence confessionnelle. Mgr Jérémie, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes, le signifiait à sa façon en déclarant que Dominus Iesus est un texte théologique auquel il convient de donner une réponse théologique. N’est-ce pas pour des chrétiens l’essentiel qui est en cause, dès lors que c’est la mission du Christ qui se trouve au centre du débat, dans ses dimensions trinitaires, sotériologiques et ecclésiologiques ?
Ce sont les aspects ecclésiologiques qui ont suscité le plus de difficultés, sans que suffisamment d’efforts d’éclaircissement aient été consentis. Le cardinal Ratzinger n’a jamais jeté le doute sur la fidélité de nos frères protestants au Christ et sur leur authenticité chrétienne. Il a simplement signalé les divergences à propos de la conception que les différentes confessions ont de la nature et de la constitution de l’Eglise. Les protestants seraient d’autant moins fondés à contester qu’il y ait là un problème qu’ils sont en désaccord profond eux-mêmes sur le sujet. Les calvinistes et les luthériens ont des approches très différentes sur les ministères, et l’épiscopat divise profondément les diverses sensibilités issues de la Réforme. La notion d’Eglise est parfois rejetée par certains qui y voient – à l’encontre de Luther – une organisation hiérarchique dont ils récusent les principes.
Il convient donc de cesser des polémiques qui n’ont pas lieu d’être, pour reprendre ensemble un examen approfondi. Précisément, une rencontre doit avoir lieu, entre théologiens de toutes les confessions, à propos « des questions ecclésiologiques qui séparent encore les chrétiens. » Le thème de ce rendez-vous, du 2 au 4 mai à Viviers en Ardèche, était prévu bien avant la publication de Dominus Iesus, ce qui démontre que ce n’est pas le document romain qui a inventé le problème. Ce n’est pas en ignorant les différences qu’on fera avancer l’unité, mais en approfondissant en commun les sources et le contenu de la foi. Le meilleur de l’œcuménisme ne devrait-il pas aussi consister dans une attestation commune de Jésus-Christ ? De ce point de vue, on retient l’initiative de tous les chrétiens de Lyon qui se réuniront ensemble à l’aube de Pâques pour manifester la joie de la Résurrection. Il se trouve en effet que la date de Pâques en 2001 nous est commune avec les orthodoxes. « Les chrétiens ne sont pas divisés sur la Résurrection », disait encore Mgr Jérémie. N’est-ce pas le cœur de la foi ? Et n’est-ce pas à partir de là que nous devrions nous rassembler pour témoigner ensemble ? L’œcuménisme ne progressera que dans la dynamique d’une vérité reconnue et approfondie ensemble. Ce n’est qu’avec cette condition remplie que le monde pourra croire, selon les paroles du Christ pendant le repas de sa dernière Pâque : » Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17, 21).