Il est des périodes où tout semble mal marcher, et où l’on peine à sortir d’un brouillard que le soleil ne perce pas. La morosité prend alors le dessus avec son redoutable pouvoir de désenchante-ment.
Sans doute, convient-il de se méfier des sautes d’humeur qui affectent le corps ecclésial, d’autant que les sentiments, lorsqu’ils épousent la couleur des saisons risquent de nous vouer à la cyclothymie. Cet été, l’éclatant succès des JMJ à Rome nous comblait de joie, ouvrant tous les horizons. Cet automne, plusieurs affaires de pédophilie dans l’Eglise font oublier cet optimisme d’avant-hier, pour répandre les affres du doute. Reconnaissons-le, une fois encore. Le coup est très dur. Il atteint tous les chrétiens, évêques, prêtres et laïcs parce que c’est la confiance qui a été trahie au détriment des plus faibles et parce que le dommage ainsi créé paraîtrait sans remède, si une certitude plus profonde ne nous persuadait que l’amour miséricordieux est plus fort que la pire des atteintes à l’innocence. Encore faut-il que nous soyons capables de recevoir cet amour, en sachant qu’il peut nous relever et être contagieux. Malheureusement, nous subissons la tentation de la frilosité, paralysés par la peur. Et nous n’allons pas à la rencontre de ceux qui ont le plus besoin de notre sollicitude, tout d’abord ces parents désarçonnés que l’on risquerait parfois de traiter presque en ennemis, tant la peur de leur colère nous hante. Mais il faut savoir affronter cette colère, qui est juste et salutaire. Le pire serait de nous retrancher craintivement, en attendant que l’orage passe, alors que selon la grande leçon rédemptrice du christianisme, là où le péché abonde, la grâce sur-abonde.
Sans doute, est-ce plus facile à dire qu’à vivre, d’autant que le problème de la pédophilie – l’épiscopat s’en est rendu compte à Lourdes – relève d’une pathologie lourde, dont les symptômes ne sont pas toujours immédiatement décelables. De ce point de vue, l’Eglise n’est pas plus à l’abri que d’autres institutions, et elle doit faire face en recourant aux avis éclairés des spécialistes. Par ailleurs, l’opinion publique, sensibilisée à la question de la sexualité, reçoit facilement les messages qui la sollicitent pour mettre en accusation le célibat consacré, qui serait à l’origine de tout ce drame. Voilà qui oblige à remettre les choses en perspective pour mieux comprendre comment la tradition ecclésiale a toujours étroitement associé le mariage-sacrement et la virginité librement acceptée en vue du Royaume. Loin de conduire à un système pervers, cette démarche a eu, au contraire, un effet historique libérateur, en humanisant et en clarifiant la sexualité. Mais la luxure, dont Bernanos disait qu’elle est une blessure au flanc de l’espèce conspire à renverser un équilibre toujours compromis et que seul le dynamisme de l’amour gratuit peut rétablir dans son économie propre. C’est pourquoi, il convient de se défier d’une morosité qui constitue une tentation permanente d’affaissement de l’être moral et spirituel. L’humble troupeau des hommes, comme disait encore Bernanos, doit être sans cesse remis en route. Après le temps d’examen et de repentance nécessai-re, c’est vers le haut qu’il faut tendre en rendant courage et espérance à tous et d’abord aux plus fourbus.
Gérard LECLERC